Aurions-nous jusqu’à présent sous-estimé les risques liés à l’obésité en cas de grossesse ? On serait tenté de le croire, au vu des communications faites sur ce thème au 26e European Congress of the European Board & College of Obstetrics and Gynaecology (EBCOG) du 8 au 10 mars derniers.
Risque multifactoriel majeur, l’obésité complique la grossesse à toutes ses étapes, avec dès en amont des problèmes de fertilité. Le suivi est souvent bien plus complexe, avec des risques accrus de malformations foetales en cas de diabète pré-existant. Une obésité augmente entre autres les risques d’HTA, de diabète gestationnel et d’apnées du sommeil. Ainsi, le Pr Gérard H. A. Visser (University Medical Center, Utrecht, Pays- Bas) précise que près de 10 % des femmes avec un BMI entre 20-25 kg/m2 présentent un diabète gestationnel (DG) ; avec un BMI ≥ 30, elles sont environ 35 % à souffrir d’un DG ; et avec un BMI ≥ 40, 100 % ont un DG. Et en pratique, un diabète gestationnel est bien plus complexe à équilibrer chez les femmes obèses que chez les normo-pondérées. Autre point mis en avant par ce spécialiste néerlandais : d’après une étude parue dans J Matern Fetal Neonatal Med en 2017, le taux de pré-éclampsie est d’environ 15 % chez les femmes obèses (qu’elles présentent ou non un DG). Ce taux est de 4,1 % chez les femmes souffrant d’un DG mais non-obèses.
Risque d’hypercoagulabilité
Pour le Pr Didier Riethmuller, chef du pôle mère-enfant au CHRU de Besançon et co-responsable d’une table ronde sur ce thème au congrès, l’accouchement proprement dit pose des difficultés spécifiques chez les femmes obèses : « Les conditions de déclenchement sont plus compliquées, avec une sorte de résistance à l’oxytocine qui perturbe le travail, et un taux de césarienne élevé. Même dans les services privilégiant les accouchements par voie basse, on peut avoir 30 à 35 % de césariennes chez les femmes obèses. Avec leurs risques de morbidité liés à la chirurgie, en particulier pariétaux. »
En post-partum, les risques de maladie thrombo- embolique et d’infections sont eux aussi augmentés. « Chez une femme de poids normal, le risque thrombo- embolique est augmenté tout au long de la grossesse et pendant 16 semaines après l’accouchement. En période post-partum, ce risque est en moyenne 30 fois supérieur qu’avant la grossesse. Chez les jeunes mamans obèses et qui ont eu en plus une césarienne, ces risques d’hypercoagulabilité ne s’additionnent pas mais se multiplient ! », alerte le Pr Riethmuller. Ce qui peut bien sûr justifier un traitement prophylactique par héparine de bas poids moléculaire pendant au moins 6 à 8 semaines.
Aussi, l’importance de la prévention, qui dépasse le cadre de la gynécologie- obstétrique, a été rappelée. Ces spécialistes encouragent fortement toutes les mesures prises en amont chez les enfants et adolescents pour prévenir l’obésité. L’objectif est d’avoir moins de femmes en surpoids en début de grossesse, et donc de limiter les complications, avec un suivi obstétrical plus simple. Pour le Pr Gérard Visser, « cela nécessite l’implication des gouvernements, des pouvoirs publics et de l’ensemble des soignants ».
UNE GROSSESSE APRES CHIRURGIE BARIATRIQUE
La chirurgie de l’obésité est loin d’être anecdotique, la France étant l’un des pays européens où se pratique le plus cette intervention (près de 60 000 en 2016, Drees). Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 6 mars dernier indiquait que plus de 80 % des opérés sont des femmes. Et la moitié d’entre elles sont en âge de procréer. La grossesse après chirurgie bariatrique est une problématique assez peu explorée jusqu’à présent, encore dénuée d’étude randomisée en population. Actuellement, le temps recommandé entre l’opération et la conception varie entre 12 et 18 mois, ou 12 et 24 mois selon les sociétés savantes. Globalement, le rapport bénéfice/risque d’une chirurgie bariatrique avant la grossesse semble à l’avantage de l’intervention chirurgicale, même si une surveillance particulière par des professionnels expérimentés des femmes enceintes opérées est indispensable.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation