Est-ce la fin d’un feuilleton industriel et politique sur la souveraineté sanitaire ? Le laboratoire Servier a annoncé vendredi 6 septembre 2024 qu'il renonçait à la vente de sa filiale Biogaran, leader des médicaments génériques en France. Du moins pour le moment.
Dans un courrier interne adressé aux salariés, dont l'AFP a obtenu copie, le groupe Servier indique avoir « reçu des marques d'intérêt de la part d'investisseurs internationaux pour Biogaran », mais avoir décidé de mettre fin aux discussions avec les acteurs concernés.
Des offres à plus d’un milliard d’euros
« La création de valeur proposée ne nous apparaissait pas bénéfique pour l'entreprise, ses collaborateurs, le tissu industriel franco-européen, ainsi que les patients, pharmacies et partenaires […]. De plus, les incertitudes politiques et réglementaires ont pesé sur ces marques d’intérêt », écrit Olivier Laureau, président de Servier, dans ce courrier.
Cette décision met fin à des mois de spéculations sur l'avenir de Biogaran, lancé en 1996 et devenu leader français du médicament générique avec 320 millions de boîtes écoulées par an dans l'Hexagone et un tiers du marché conquis en 30 ans.
Dès le printemps, l'exécutif était monté au créneau pour mettre en garde contre une éventuelle mise en vente du laboratoire. Un dossier sensible donc, dans un contexte de pénuries de médicaments et d'efforts entrepris au sommet de l'État pour relocaliser des médicaments essentiels et pour attirer des investissements supplémentaires dans la santé.
Deux acteurs pharmaceutiques indiens avaient été identifiés comme candidats, Aurobindo et Torrent Pharmaceuticals, en sus du fonds britannique BC Partners qui avait déposé, en juin, une offre en tandem avec Bpifrance. La société pharmaceutique française Benta Lyon s'était également positionnée. Il était redouté qu'un acquéreur étranger puisse arrêter certains produits et/ou fasse produire ailleurs. À plusieurs reprises, l'exécutif a assuré que des « conditions drastiques » seraient mises en place en cas de repreneur étranger, avec la possibilité d'activer le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) pour ne pas compromettre la souveraineté sanitaire. Selon une source proche du dossier, certaines offres ont atteint plus d'un milliard d'euros.
Risque de perte de souveraineté
Après la démission du gouvernement, les représentants du personnel avaient tiré la sonnette d'alarme dans une pétition, en alertant sur les risques liés à une « perte de souveraineté si la production est délocalisée », qui pourrait se traduire par « moins de réactivité face à des crises sanitaires », « plus de ruptures de stocks en pharmacies » et « la suppression d’emplois ».
Le génériqueur, qui compte 240 salariés, réalise actuellement la moitié de sa production en France, via sa quarantaine de sous-traitants qui fabriquent pour lui. De lui dépendent ainsi 8 600 emplois. Mais avec 1,2 milliard d'euros de ventes, il représente moins d'un quart du chiffre d'affaires de sa maison mère.
Le groupe Servier ne jette toutefois pas définitivement l'éponge. « Nous pourrons initier de nouvelles revues stratégiques à l’avenir comme nous le faisons régulièrement pour évaluer le potentiel de nos activités », souligne-t-il. Pour une entreprise de taille moyenne comme Servier, les moteurs de croissance sont ailleurs, prioritairement dans l'innovation en oncologie, une expertise plus lucrative que celle des génériques.
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