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Médicaments à risque, comment éviter les accidents iatrogènes

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Publié le 26/11/2018
La survenue d'accident iatrogène n'est pas une fatalité. Tous les médicaments n'ont pas le même profil de risque. Illustration avec une enquête menée aux hôpitaux de Saint-Maurice (94). Entretien avec Françoise Berthet.

Pourquoi avoir lancé cette enquête de perception des médicaments à risque par les médecins et infirmiers ?

Notre hôpital est à l'origine de l'accident mortel d'une femme de 70 ans en janvier 2011 dans un service de SSR victime d'un arrêt cardiaque après l'administration accidentelle d'un bolus de KCL. L'infirmière, intérimaire, a alors lu pour la prescription de chlorure de potassium (KCL) « KCL 2 grammes IV par jour un matin un soir ». Quand elle a voulu faire le gramme du soir, elle n'a pas trouvé les modalités d'administration du KCL. Ce produit doit toujours être dilué et perfusé lentement. À ce moment-là, elle aurait dû savoir que ce produit est le plus grand pourvoyeur d'accidents iatrogène (source : ISMP) mortels au monde et était même utilisé dans le protocole d'injection létale des condamnés à mort américains. Cet accident a été ensuite déclaré au guichet des erreurs médicamenteuses. C'est pourquoi après coup l'ANSM est revenue sur toutes les AMM des chlorures de potassium. Elle a même publié une affiche expliquant que le KCL doit toujours être dilué et donné sur un temps suffisamment long, afin d'éviter un arrêt cardiaque immédiat.

D'où une campagne de sensibilisation vers le personnel de votre établissement... ?

C'est ce que nous avons fait en effet suite à cet accident juste après avoir déclaré l'accident à l'ARS et au CRPV. Concrètement, nous avons instauré une formation obligatoire sur le médicament à risque vers tous les personnels infirmiers. Parallèlement, nous avons demandé à Alexandre Elbaz (externe) de réaliser un travail sur la perception par les soignants des médicaments à risques afin d'avoir une approche médicament/risque. Cette recherche a d'ailleurs été son sujet de thèse. Pendant longtemps en France, nous avons considéré que tous les médicaments étaient à risque, contrairement à la perception des Anglo-Saxons (NHS). Ainsi, les médicaments les plus dangereux n'étaient pas tracés dans l'Hexagone. Mais au final, en 2012, l'ANSM a publié la liste des never events, soit les dix situations qui ne doivent jamais se produire dans les hôpitaux, parmi lesquels on trouve les KCL.

Quelles sont les conditions de survenue d'un tel accident ?

Certaines conditions vont favoriser la survenue d'un accident médicamenteux à haut risque comme l'utilisation de produits peu usités dans le service, la banalisation des médicaments à risques, l'emploi d'une infirmière intérimaire peu expérimentée. Certes, l'informatisation du circuit du médicament dans l'arrêté de 2011 est présentée comme un facteur de sécurisation. Pour autant, nous ne disposons pas encore des logiciels avec des pare-feu sur les erreurs éventuelles au moment de la saisie de la prescription. Mais comme pour les maladies nosocomiales, le sujet est maintenant bien intégré dans nos pratiques depuis l'arrêté d'avril 2011 (certification HAS).

 

 

* Chef de service de la PUI des hôpitaux de Saint-Maurice.


Source : Décision Santé: 313