Une étude menée par des chercheurs de l'INSERM au sein de l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) montre que l'ibuprofène est susceptible d’entraîner des perturbations du système hormonal du testicule fœtal humain avec des conséquences éventuelles sur le développement du tractus urogénital masculin.
Ce médicament supprime la production de différentes hormones testiculaires, dont la testostérone, qui contrôle les caractères sexuels primaires et secondaires et la descente des testicules. Ces effets ont été observés à des doses analogues à la posologie classique. Ces résultats sont publiés dans Scientific Reports.
Le premier trimestre, période à risque
Pour obtenir ces résultats, les chercheurs de l’Irset - avec l’appui de collègues du CHU de Rennes, de l’Université de Copenhague, de chercheurs du Laberca de Nantes, et de collègues écossais du MRC Edinburgh - ont articulé deux séries de tests pour étudier les effets de l'ibuprofène sur des testicules fœtaux humains récupérés sur des produits d’avortement avec l’accord des femmes. Dans la première série d'études, les testicules sont mis en culture, dans la seconde, ils sont greffés sur des souris. Les effets de l'ibuprofène ont été étudiés sur des périodes correspondant aux 1er et 2e trimestres de grossesse.
Lorsque les testicules correspondant au 1er trimestre de grossesse sont exposés à l'ibuprofène, la production de testostérone par les cellules de Leydig diminue fortement. Au cours de la même période (jusqu'à 12 semaines de développement), les chercheurs observent pour la première fois que l’ibuprofène affecte aussi la production d’hormone antimüllérienne par les cellules de Sertoli. Cette hormone joue un rôle clé dans la masculinisation du tractus génital.
En outre, l’expression des gènes codant pour le fonctionnement des cellules germinales, à l'origine de la formation des spermatozoïdes, est largement réduite en présence d'ibuprofène. Et la production de prostaglandine E2 (connue pour être produite par les testicules) et les gènes correspondants sont eux aussi inhibés par la présence d'ibuprofène à ces mêmes étapes de développement.
Tous ces effets sont observés très tôt au cours du premier trimestre, et aucun n'est retrouvé sur les tests effectués au cours du second trimestre.
Prudence lors de la prise d'antalgiques pendant la grossesse
Pour Bernard Jégou, directeur de recherche Inserm et coordinateur de cette étude et Séverine Mazaud-Guittot, chargée de recherche Inserm, les conclusions de ce travail soutenu par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sont à prendre au sérieux : « il existe une fenêtre de sensibilité bien précise au cours du 1er trimestre de développement du fœtus pendant laquelle l'ibuprofène présente, semble-t-il, un risque pour le futur appareil génital et reproducteur de l'enfant. Tous les faisceaux d'indices convergent vers une grande prudence quant à l'utilisation de ce médicament lors du 1er trimestre de grossesse. En outre, si on prend aujourd’hui en compte le corps de données disponibles, il apparaît que la prise de plusieurs antalgiques pendant la grossesse représente un danger encore accru pour l’équilibre hormonal du fœtus masculin. »
En effet, des recherches épidémiologiques menées ces dernières années ont montré une association entre la prise d’antalgiques pendant la grossesse et la survenue d'effets indésirables chez l'enfant (petit poids de naissance, asthme, prématurité, etc.). D’autres études combinant épidémiologie, expérimentation in utero chez le rat et ex vivo sur des organes de rat et humains, entreprises au sein de l’Irset en collaboration avec des chercheurs danois de l'Université de Copenhague, ont montré que le paracétamol et l’aspirine pouvaient perturber le système endocrinien testiculaire fœtal avec un risque de cryptorchidie. Seuls les effets de l'ibuprofène n'avaient pas encore été testés.
L’ANSM sonnait l’alarme en janvier
Fin janvier dernier, l’agence française du médicament, l’ANSM, a rappelé que trop d’AINS, dont l’ibuprofène, normalement contre-indiqués après le 6e mois de grossesse (24 SA) sont absorbés par les femmes enceintes. Cette contre-indication est fondée sur des risques graves pour la santé du fœtus car une exposition dès le 6e mois de gestation l’expose à un risque d’atteintes rénales et cardio-pulmonaires qui peuvent s’avérer irréversibles voire mortelle pour le fœtus ou le nouveau-né.
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