Jusqu’à 10% des enfants seraient victimes de maltraitance dans les pays à hauts revenus. Ce lundi 17 novembre, la HAS présentait donc les nouveaux outils qu’elle met à disposition des professionnels de santé (médecins libéraux et hospitaliers, médecins et infirmières scolaires et de PMI...) pour les aider à mieux s’impliquer dans la prévention de ces drames aux conséquences très graves sur la santé de l’enfant, à court comme à long terme. « Les professionnels de santé ne jouent pas assez leur rôle dans le repérage et le signalement de la maltraitance chez l’enfant », a souligné d’emblée le professeur Jean-Luc Harrousseau, président de la Haute Autorité de Santé (HAS).
« 2 à 5% seulement des signalements de maltraitance infantile émanent des professionnels de santé », déplore le docteur Cédric Grouchka, membre du collège de la Haute Autorité de santé. Portant, ils doivent être conscients que « protéger l’enfant est un acte médical et une obligation légale », a rappelé le docteur Grouchka.
Déni de l’ampleur du problème, crainte d’un signalement abusif, peur de détruire une famille qu’ils connaissent, peur des poursuites judiciaires, manque de confiance dans les services sociaux, mais aussi criant manque de formation médicale sur le sujet... Les raisons de ce désinvestissement des professionnels de santé sont multiples. Autre facteur important de ce retrait : l’absence de retour fréquent sur les suites données au signalement.
Une sous-estimation notoire
En 2006, 98 000 cas d’enfants et de jeunes de moins de 21 ans « en danger » ont été recensés. Mais « la maltraitance de l’enfant est peut-être dix fois plus fréquente que ce que l’on repère. C’est un drame de l’ombre qui touche toutes les classes sociales, des plus modestes aux plus favorisées. Il y aurait deux enfants par jour qui meurent sous les coups d’un adulte », relève Cédric Grouchka.
Le Dr Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste, cite un exemple de la sous-estimation du problème : son équipe a analysé les données des tribunaux de trois régions françaises. Cette réalité de terrain indique plus de 250 cas d’homicides par an chez des enfants de moins d’un an. Or les statistiques officielles ne faisaient état « que » de 17 cas par an...
S’ils ne meurent pas, les enfants maltraités voient leur santé - physique et mentale - compromise à long terme. Chez les victimes de maltraitance infantile, le risque de troubles du comportement alimentaire serait dix fois plus élevé, le risque de toxicomanie trois fois supérieur, le risque d’addiction à l’alcool deux fois, le risque de dépression ou de tentatives de suicide trois fois...
Quelles sont les situations à risque de maltraitance infantile ?
« Le facteur de risque essentiel est la prématurité », a rappelé le docteur Anne Tursz. « Or la prématurité est de plus en plus fréquente. Ces enfants peuvent être vécus comme une blessure narcissique, et le lien d’attachement des parents avec le nouveau-né est plus difficile, lors du retour au domicile. »
Chez les parents, tout événement qui peut rendre difficile l’attachement précoce avec le nouveau-né est un facteur de risque : dépression du post-partum, antécédents personnels de violences subies dans l’enfance, violences conjugales, addictions, isolement social et surtout moral, troubles psychopathologiques...
Savoir passer la main très vite
Qu’il suspecte un risque de maltraitance ou qu’il soit face à un enfant en danger immédiat, le professionnel de santé doit réagir, même s’il n’est pas certain de la maltraitance et s’il ne peut la prouver. « Le médecin n’est pas un enquêteur, c’est le rôle de la police judiciaire », souligne Anne Tursz.
Pour le médecin, cet impératif de protection est permis par la levée du secret médical : il doit savoir qu’il est à l'abri de toute poursuite pénale pour violation du secret médical. Si le signalement est effectué dans les règles, aucune poursuite ni sanction n’est possible. En revanche, si un professionnel de santé n’a pas signalé un cas de maltraitance qu’il aurait dû signaler, il s’expose à de très lourdes peines. « C’est 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’inculpation pour non-assistance à personne en danger », rappelle Anne Tursz.
Un mémo à l’usage des médecins, acteurs essentiels du repérage
La HAS publie donc aujourd’hui une fiche mémo didactique, qui « doit devenir l’outil de référence pour les professionnels de santé ».
• En cas d’urgence vitale ou d’un risque de danger important, le médecin doit alerter le procureur de la République via le Tribunal de grande instance (TGI). Il doit aussi faire hospitalier l’enfant.
• En cas de doutes, le médecin doit se faire conseiller par d’autres professionnels de santé ou de la protection de l’enfance. Ces situations non urgentes relèvent de la compétence du Conseil Général et doivent faire l’objet d’une « information préoccupante » (IP) auprès de la cellule départementale de recueil d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP) de son département. La transmission d’une IP permet au département de mettre en place des actions de protection et d’aide dont le mineur et sa famille peuvent bénéficier.
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