Le Généraliste : Quels buts poursuivent ces « Journées du cœur » qui se déclineront pour la première fois en région cette année ?
Pr Jacques Beaune : Ces Journées, organisées par l’Alliance du cœur, avec laquelle la Fédération Française de Cardiologie est en étroite collaboration, via ses clubs « Cœur et Santé » sont une façon de se faire connaître des patients cardiaques. Et puis, on pense que la communication est essentielle pour faire progresser la prévention en jouant sur des facteurs comme le tabac, la nutrition et aussi le stress dont on découvre l’importance depuis quelques années. Et on espère que des manifestations répétées de ce genre peuvent, petit à petit, porter leurs fruits. Un des problèmes de la prévention est aussi que l’on atteint très peu les couches populaires. C’est pour cela que nous tenons tant à faire connaître l’importance des clubs «Cœur et Santé ».
Peut-on mesurer l’effet de ce type d’action de communication ?
Pr J. B. Clairement, on n’a malheureusement pas les moyens nécessaires de faire de telles enquêtes pour évaluer nos actions. En revanche, des études scientifiques faites en France ou en Europe mettent en évidence l’intérêt de la prévention. Ainsi pour les patients qui ont fait un syndrome coronaire aigu, les bénéfices d’une bonne prise en charge au plan de l’activité physique, de l’alimentation et du tabac sont démontrés. Sur six mois, ce type de programme induit quatre fois moins de récidive. C’est énorme ! La prévention, c’est le meilleur médicament que je connaisse ! Concernant la prévention primaire, si l’on observe une baisse de mortalité cardio-vasculaire dans le monde, on l’attribue pour un peu plus de la moitié à la rapidité accrue d’intervention, la technicité, les traitements médico-chirurgicaux, mais pour le reste à la modification du comportement alimentaire, tabagique et à l’exercice physique.
Sur la prévention, comment qualifier la situation en France ?
Pr J. B. Sur le tabac, on ne peut que constater une attitude très peu courageuse. Or la France n’est pas bonne : on compte 30 % de fumeurs dans notre pays contre moins de 20 % désormais aux États-Unis... C’est pour cela que la FFC a lancé la campagne « Jamais la première cigarette ! », car on sait que 8 % des moins de dix ans ont déjà fumé. Et que la moitié de ceux qui ont fumé avant 15 ans deviendront des fumeurs permanents… Malheureusement, on démissionne en France par rapport à des pays comparables au nôtre et qui, eux, ont fait d’énormes progrès. Ainsi, la question de l’obésité est-elle occultée chez nous alors qu’il y a 15 % de vrais obèses dans l’Hexagone !
La Journée de Belfort mettra l’accent sur les femmes et les affections cardio-vasculaires. Pourquoi ?
Pr J. B. Les femmes font de plus en plus d’infarctus avant 55 ans. En vingt ans, leur nombre a été multiplié par quatre ! Cette véritable épidémie est la conséquence d’une longévité accrue, mais surtout du tabac qui est responsable de l’augmentation des pathologies cardio-vasculaires dans notre pays. Lors de l’affaire des pilules de 4e génération, on a souligné qu’elles étaient plus à risque que les autres, mais on n’a pas assez dit que 80 % des femmes sous C4G victimes d’AVC étaient fumeuses !
Les généralistes sont-ils assez prescripteurs de prévention cardio-vasculaire et peuvent-ils davantage le devenir ?
Pr J. B. Les médecins généralistes ne nous connaissent pas suffisamment. La HAS vient d’édicter une recommandation sur les prescriptions non médicamenteuses, dont les praticiens peuvent s’inspirer. Il faudrait que la première prescription d’un médecin traitant soit non médicamenteuse, relative notamment à l’exercice physique, à la détente en cas de stress chronique, au tabagisme. Malheureusement, cette prise en charge est très largement oubliée et ce n’est pas étonnant avec une consultation qui ne dure en moyenne que 14 minutes…
Comment faire pour adresser son patient à un club « Sport et Santé » ?
Pr J. B. Ces clubs, qui comptent 50 % de patients et 50 % de population non cardiaque, rassemblent 12 000 personnes en France dans 220 clubs répartis sur tout le territoire. Ce n’est pas mal, même si ce n’est sans doute pas assez. Avec le temps, on espère qu’ils pourront se faire connaître du plus grand nombre et collaborer de façon plus étroite avec les généralistes. Leurs coordonnées se trouvent sur le site de la Fédération Française de Cardiologie. Le lien avec les généralistes est pour nous essentiel car ils voient les patients cardiaques jusqu’à une fois par mois quand le cardiologue ne les voit que deux fois par an au maximum.
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