Fraîchement confirmé par la voie du JO à la direction générale de la toute nouvelle agence Santé Publique France, François Bourdillon inaugure sa fonction avec une information de poids : l’exposition chronique aux particules fines liées dans la pollution de l’air en France continentale est responsable de 48 000 décès par an, ce qui correspond à une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans. Avec de tels chiffres, « la pollution atmosphérique en France est un fardeau qui arrive au 3e rang, juste après le tabac et l’alcool », assure le Pr Bourdillon.
Ces résultats sont issus de nouveaux travaux sur l’impact sanitaire (EQIS) de la pollution atmosphérique par les particules fines PM2,5 sur la santé en France métropolitaine. Cette étude réalisée sur la période 2007-2008 a pour originalité notamment d’avoir établi une estimation nationale du poids sanitaire (« fardeau ») de la pollution de l’air en France, de colliger des données « à la commune » et aussi de s’être intéressées aux zones non couvertes par la surveillance réglementaire de la qualité de l’air (voir carte).
L’observation de 36 219 communes rassemblant 61,6 millions d’habitants a donc permis cette étude de cohortes. Et l’indicateur choisi a été celui le plus étudié, à savoir les particules fines de 2,5 micromètres de diamètre (PM2,5), de la taille d’une bactérie ou d’un globule rouge, qui ont la propriété de traverser les parois alvéolaires pulmonaires une fois inspirées et de se répandre dans la circulation sanguine.
Résultats : les effets de la pollution ne concernent pas les seuls centres urbains, même s’ils sont les plus touchés. Les villes moyennes et petites mais aussi les territoires ruraux sont aussi concernés. En quadrillant la France en territoires de 2 km2, les chercheurs ont prouvé que dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants, la population qui y vit perd en moyenne 15 mois d'espérance de vie à 30 ans du fait des PM2,5. Dans les zones entre 2 000 et 100 000 habitants, cette perte est de 10 mois en moyenne. Et dans les zones rurales, ce sont en moyenne 9 mois qui disparaissent.
Les particules fines sont mutagènes
Ces particules fines agissent « sur tous les organes », précise Sylvia Medina (coordinatrice du programme Air et Santé), par différents mécanismes, dont le stress oxydatif. Et c’est la pollution chronique, celle que nous respirons tous les jours, qui est à l’origine de cette morbi-mortalité. Car ces particules contribuent au développement des maladies cardio-vasculaires (via l’épaississement des parois artérielles), pulmonaires, neurologiques et des cancers.
L’effet mutagène de cette substance a été acté par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’OMS en 2013. Chez l’enfant, les PM2,5 favorisent les troubles du développement et de la reproduction. Or chaque jour, un adulte inhale 10 000 à 20 000 litres d’air en fonction de sa morphologie, de ses activités…
« Il faut agir le plus tôt possible pour préserver la qualité de l’air », martèle le directeur général de santé Publique France pour qui tout n’est pas perdu à condition d’abaisser les seuils de cette pollution. Les chercheurs ont ainsi évalué en 4 scénarios les bénéfices attendus de baisse des concentrations de particules fines. Si l’ensemble des communes réussissait à atteindre les niveaux de PM2,5 observés dans les 5 % des communes les moins polluées,
34 000 décès pourraient être évités chaque année, permettant un gain moyen de 9 mois d'espérance de vie. Si l’on respectait la valeur guide de l’OMS de concentration de 10 µg/m3, 17 700 décès pourraient être évités annuellement, correspondant à un gain moyen de 7 mois d’espérance de vie à 30 ans dans les communes urbaines de plus de 100 000 habitants. Le scénario « Grenelle de l’environnement » (15 µg/m3) permettrait de gagner 3 mois d’espérance de vie et d’éviter près de 3 000 décès par an. Enfin, le scénario « respect de la valeur cible de la réglementation européenne », le moins ambitieux, ferait gagner 1,5 mois d’espérance de vie.
Une corrélation linéaire
Pour les experts, les résultats de cette enquête montrent que les stratégies les plus ambitieuses permettent de réduire la mortalité de manière considérable. Le lien entre concentrations en PM2,5 et espérance de vie étant corrélés de manière linéaire
« dès que l’exposition toxique cesse, les bénéfices sur la santé sont quasi immédiats », assure Sylvia Medina. Compte tenu de la diversité des sources de polluants
- transports essentiellement, mais aussi logements et chauffage individuel, industries, agricultures… -, la promotion de la pratique du vélo, la modification de la composition des carburants, la mise en place de péages urbains, etc., sont autant de mesures dont le bénéfice serait individuel autant que collectif. Aussitôt dit, aussitôt fait, Ségolène Royal annonce « une politique ambitieuse de reconquête de la qualité de l’air ».
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