Lors de l’édition 2024 de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Croi), le Pr Jean-Michel Molina (services des maladies infectieuses, hôpital Saint-Louis, Lariboisière, AP-HP) a présenté les résultats finaux de l’étude ANRS 174 Doxyvac. Si l’efficacité de la doxycycline en prophylaxie post-exposition est confirmée pour réduire le risque d’infections sexuellement transmissibles, celle du vaccin anti-méningocoque B est à nuancer après la réanalyse des résultats intermédiaires de 2023.
Initié en 2021, Doxyvac* s’intéresse aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et « représente une opportunité thérapeutique dans un contexte d’augmentation des infections sexuellement transmissibles dans le monde », expose le Pr Jean-Michel Molina, coordonnateur de l’essai, au Quotidien. L’essai avait pour objectif d’évaluer, d’une part l’efficacité d’un vaccin anti-méningocoque B (4CMenB, Bexsero) sur la réduction du risque d’infection à gonocoque (GC), et d’autre part celle de la doxycycline en prophylaxie post-exposition (DoxyPEP) à 200 mg dans les 24 à 72 heures après un rapport sexuel non protégé sur la réduction du risque d’infections sexuellement transmissibles (IST) : chlamydia, syphilis, gonocoque.
En 2022, les premiers résultats de cet essai croisé prospectif randomisé retrouvaient une réduction d’environ 70 % du risque d’infection à gonocoque et de syphilis lorsque la doxycycline était administrée dans les 72 heures après un rapport non protégé ; ainsi qu’une efficacité de près de 30 % de Bexsero sur les infections à gonocoque. Des données confirmées par la suite en 2023, lors de l’annonce des résultats intermédiaires de Doxyvac à la Croi 2023, mais aussi, pour la doxycycline, par l’étude américaine Doxy-PEP. Cependant, peu après la publication de leurs chiffres, les auteurs de l’étude avaient déclaré une discordance sur la partie des résultats concernant l’efficacité du Bexsero et lancé un audit indépendant.
Une réduction de 83 % du risque d’infection à chlamydia ou de syphilis pour la doxycycline
Les individus de la cohorte ANRS Prévenir sous PrEP (prophylaxie pré-exposition) depuis plus de 6 mois ayant déclaré une IST bactérienne dans les 12 mois précédents et ne présentant pas, à l’inclusion, de symptômes d’IST (n = 720) ont tout d’abord été randomisés (2:1) en deux groupes : DoxyPEP 200 mg dans les 24 à 72 heures après un rapport sexuel non protégé et pas de PEP. Dans ces deux groupes, ils étaient ensuite randomisés (1:1) pour recevoir deux injections (à M0 et 2) du vaccin 4CMenB ou pas de vaccin.
Puis, entre janvier 2021 et septembre 2022, 557 HSH ont été randomisés et les analyses ont porté sur 545 d’entre eux (âge médian : 40 ans, médiane de 10 partenaires sexuels au cours des 3 derniers mois). Une recherche d’IST était effectuée tous les trois mois ; les critères d’évaluation étaient le délai avant un premier épisode d’infection à chlamydia ou de syphilis par rapport au début de la DoxyPEP et celui avant un premier épisode d’infection à gonocoque après la vaccination.
Les auteurs retrouvent ainsi, avec un suivi médian de 14 mois, une efficacité de la DoxyPEP avec une réduction du risque d’infection de 83 % pour les infections à chlamydia et la syphilis ; et une réduction de 33 % pour l’infection à gonocoque. En effet, pour la chlamydia et la syphilis, sur les 115 sujets infectés, 80 appartenaient au groupe sans PEP (n = 183) et 35 au groupe PEP (n = 362). Pour le gonocoque, sur les 238 sujets infectés, 94 appartenaient au groupe sans PEP et 144 au groupe PEP. De plus, la DoxyPEP relève d’une bonne tolérance avec un taux d’adhésion élevé.
Ces résultats sont confirmés par l’étude américaine DoxyPEP dont l’extension en ouvert, présentée elle aussi à la Croi 2024, montre une réduction de 65 % des IST bactériennes (dont 80 % pour les chlamydia et syphilis et 50 % pour gonocoque).
Pour le vaccin 4CMenB, les résultats ne sont pas concluants
Quant au vaccin Bexsero, parmi les individus vaccinés (n = 274), 103 ont été infectés à partir de M3 (contre 122/270 dans le groupe sans vaccin). Dans l’analyse intermédiaire, 49 individus infectés avaient été retrouvés (HR = 0,49) : « L’échantillon était beaucoup plus petit que celui de l’analyse finale, c’est ce qui explique la différence des résultats sur l’efficacité du vaccin », explique le Pr Molina. Les auteurs concluent ainsi que si « les données ne sont pas concluantes, il peut exister un léger avantage. Mais la pertinence clinique semble très limitée avec des taux similaires d’infections cumulées, symptomatiques et à culture positive ».
Enfin, quant à la mise en pratique de ces travaux, le Pr Molina commente : « aux États-Unis, à San Francisco, la doxycycline en PEP est utilisée couramment et il a été observé une diminution de 50 % des infections à chlamydia et de syphilis. À bon escient, ce traitement est efficace et très bien toléré ».
*L’essai ANRS 174 Doxyvac est promu et financé par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes et le laboratoire Roche, et mené par des équipes de recherche Inserm, AP-HP, Université Paris Cité, Sorbonne Université.
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