Cardiologie

IC : une première poussée à haut risque

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Publié le 16/11/2018
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L’insuffisance cardiaque constitue la plus fréquente des maladies cardiovasculaires chez la personne âgée. Elle concerne 10 % de la population après 85 ans, avec un risque d’hospitalisations itératives et une mortalité importante. Le premier épisode de décompensation marque un tournant pour le pronostic fonctionnel et vital.

Dans l’année qui suit une hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IC), le risque de réhospitalisation est de 50 % et celui de décès de 40 % dans l’année, marquant une étape péjorative pour la mortalité, l’autonomie et la qualité de vie.

Prévenir une décompensation

éviter les décompensations et les hospitalisations suppose au préalable d’avoir authentifié l’IC ou sa poussée, ce qui n’est pas toujours évident dans un contexte de polypathologies. L’échocardiographie est indispensable au diagnostic, pour rapporter la symptomatologie à l’IC, en préciser le type par la mesure de la FEVG et repérer une éventuelle étiologie curable comme une valvulopathie.

Lorsque la FEVG est altérée, on dispose de recommandations bien établies sur le traitement – diurétiques, β-bloquants, IEC, antialdostérone, sacubritil/valsartan. Mais l’IC du sujet âgé est dans 65 à 70 % des cas à FEVG conservée, avec un traitement moins bien établi qui repose sur la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaires, des comorbidités et d’une éventuelle cause. « Les personnes âgées doivent bénéficier des mêmes traitements que les plus jeunes, car ils ont fait la preuve de leur bénéfice sur la morbimortalité sur ce terrain, à condition de respecter les indications et d’être particulièrement vigilant sur la surveillance clinique et biologique pour éviter, surtout en cas de polymédication, les effets indésirables sur la fréquence cardiaque, la déshydratation, l’atteinte rénale, l’hypotension orthostatique et son risque de chutes et de fractures », insiste le Pr Joseph Allal, service de cardiologie, CHU de Poitiers.

Le NTproBNP constitue une aide au diagnostic devant une dyspnée ou une asthénie qui peut être la seule manifestation de la maladie chez les gens âgés. Il a aussi une valeur pronostique ; c’est un marqueur de mortalité s’il reste élevé à la sortie de l’hôpital, indiquant un patient à encadrer encore plus attentivement. Il faut se méfier de sa valeur chez un obèse chez qui il augmentera moins rapidement. Sa place reste discutée pour le suivi au long cours, mais son élévation peut annoncer une décompensation.

Des pathologies intriquées

Chez ces personnes souvent polypathologiques, il n’est pas toujours facile de détecter une décompensation, et la plus grande attention doit être apportée aux facteurs précipitants, comme une mauvaise observance du traitement ou des règles alimentaires, une infection intercurrente, une poussée de BPCO ou d’insuffisance rénale, une association récente de traitements possiblement iatrogènes, une poussée d’HTA, etc.

La fibrillation atriale (FA) et l’insuffisance cardiaque sont intriquées. La FA peut être responsable de l’IC, mais cette dernière et l’âge avancé favorisent la survenue d’une FA, toutes deux augmentant la survenue d’AVC, un risque supplémentaire de perte d’autonomie.

Coordination interprofessionnelle

« Pour éviter ces réhospitalisations, nous avons mis en place dans le service toute une organisation à la sortie du patient avec une check-list pour garantir une bonne coordination entre et avec les professionnels de santé qui se déplaceront à domicile. Un suivi régulier s’impose aussi, pour assurer l’éducation thérapeutique et optimiser le traitement. Ce tout particulièrement pendant la période vulnérable des six premiers mois », poursuit le cardiologue. « Nous finalisons un projet de suivi des patients par télémédecine à domicile. Ils envoient deux fois par semaine des informations simples sur leur poids et leur essoufflement afin d’identifier précocement une décompensation et savoir si elle pourra ou non être gérée avec le médecin traitant à domicile. »

L’éducation thérapeutique est un temps essentiel, auprès du patient de tout âge ou de son entourage. Concrètement, il faut – entre autres – s’assurer avant la sortie de la manière dont seront organisés les repas et la prise des médicaments. Dans certaines régions, la CPAM a mis en place le programme PRADO-IC d’aide au retour à domicile. De manière globale, la réadaptation est souvent sous-employée. Elle n’est pas toujours possible du fait des handicaps fonctionnels concernant beaucoup de patients.

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr