Sommeil : quand le nez fait obstacle

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Publié le 24/10/2024
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L’obstruction nasale aggrave l’augmentation des résistances nasales physiologiques en décubitus et favorise les syndromes d’apnées, avec un impact sur le sommeil démontré.

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Crédit photo : GARO/PHANIE

L’obstruction nasale (ON) est une plainte fréquente (33 % de la population générale et 50 % en cas de déviation septale). Elle est rendue responsable d’une mauvaise qualité du sommeil, d’insomnie, de ronflement, de syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), de syndrome d’augmentation de résistance des voies aériennes supérieures (Sarvas). Mais qu’en est-il objectivement ?

Selon une étude suédoise menée chez 400 patientes de 40 à 70 ans se plaignant d’ON et ayant bénéficié d’un enregistrement polysomnographique et d’un questionnaire d’Epworth, les femmes ayant une ON nocturne ont une plus mauvaise qualité de sommeil. Elles présentent des difficultés à induire et à maintenir le sommeil, des réveils nocturnes dus à des difficultés respiratoires, un ronflement, une bouche sèche au réveil et une somnolence diurne. Par contre, cette dégradation significative de la qualité du sommeil contraste avec l’absence d’impact sur les critères objectifs de la polysomnographie.

Un environnement immuno-inflammatoire délétère

Si l’ON multiplie par 1,5 le risque d’insomnie, elle n’est pas la seule cause de la mauvaise qualité du sommeil dans les pathologies rhinologiques inflammatoires. Ainsi dans la rhinite allergique, la rhinosinusite et la polypose nasale, si la congestion nasale joue un rôle important, la rhinorrhée contribue aussi à un sommeil de mauvaise qualité et à une fatigue diurne.

Il a été montré que l’exacerbation de la rhinite allergique pendant le sommeil liée à la concentration d’acariens dans le lit contribue à l’aggravation de l’ON d’origine muqueuse en particulier au niveau des cornets, potentiellement déjà hypertrophiés du fait de la vasodilatation en décubitus dorsal.

La réponse immuno-inflammatoire est aussi en cause : l’activation des macrophages et la sécrétion de cytokines entraînent une cascade de signalisation agissant aussi au niveau du système nerveux central, ce qui pourrait expliquer la mauvaise qualité du sommeil, la sensation de fatigue, les troubles dépressifs et cognitifs. Des études polysomnographiques ont montré une association entre le taux de cytokines pro-inflammatoires et les perturbations du sommeil paradoxal.

La respiration buccale plus à risque d’apnée du sommeil

Par ailleurs, l’ON chronique nocturne multiplie par cinq le risque de ronflement et, en s’ajoutant au collapsus valvulaire nocturne, elle peut faire le lit du SAOS voire l’aggraver.

Plusieurs arguments rendent compte de cette corrélation. Des arguments mécaniques d’abord : une pression de l’air au niveau des fosses nasales inférieure à la pression intrathoracique n’assure pas un débit d’air suffisant. Par ailleurs, par un phénomène réflexe, l’activité du génioglosse, muscle dilatateur du pharynx est très réduite par la respiration buccale. On sait aussi que lorsque la respiration nasale diminue, la sécrétion du monoxyde d’azote endogène, puissant vasodilatateur pulmonaire, est réduite. La respiration bouche ouverte provoque aussi une réduction du diamètre pharyngé d’où des vibrations au niveau du voile du palais, rendant la respiration instable, ce qui augmente les résistances des voies aériennes.

Expérimentalement, le blocage de la respiration nasale chez des sujets normaux déclenche l’apparition d’apnées. Une étude menée par l’équipe de Créteil a aussi mis en évidence que les résistances respiratoires au niveau nasal sont plus élevées en cas d’apnées du sommeil.

« Indubitablement, l’obstruction nasale nocturne fait le lit du SAOS » affirme la Dr Émilie Béquignon (CH Henri Mondor). « La voie nasale est la voie respiratoire d’élection pour le sommeil et son obstruction, en augmentant les résistances nasales majore le risque de ronflement et de SAOS. Elle doit être explorée chez les ronfleurs et les apnéiques »

« Comme il n’y a pas de corrélation entre l’importance de l’obstruction nasale et la sévérité du SAOS, un bilan est indispensable avant toute intervention afin de déterminer l’obstacle et son implication dans les apnées », explique le Dr Martin Pénicaud (CHU de Marseille).

Quatre grandes causes d’obstruction nasale

Les causes les plus fréquentes d’ON sont les rhinites, allergiques ou non, la polypose naso-sinusienne (PNS), les obstacles architecturaux (septum, cornets, valve narinaire) ainsi que les reliquats de végétation adénoïdes.

En cas de PNS on peut proposer par voie endonasale une polypectomie, une méatotomie ou une ethmoïdectomie. Ces interventions améliorent clairement la qualité du sommeil et le score d’Epworth mais peu l’indice d’apnée hypopnée.

Pour les obstacles architecturaux, la nasofibroscopie permet un diagnostic anatomique précis. La rhino manométrie est utile en cas de doute pour objectiver le niveau de l’obstacle et le quantifier; elle distingue aussi obstacle osseux ou muqueux en fonction de la réversibilité sous vasoconstricteurs. La déviation septale est l’anomalie la plus fréquente parfois aggravée par une hypertrophie du cornet inférieur. Après septo-rhinoplastie fonctionnelle associée éventuellement à un geste sur les cornets, on constate une amélioration de la qualité de sommeil bien corrélée avec la sévérité de l’ON initiale.

Pour les problèmes valvulaires, il faut distinguer avant toute intervention quelle valve est impliquée, interne ou externe.

Les végétations adénoïdes constituent une cause d’ON non négligeable même chez l’adulte, et peuvent nécessiter une adénoïdectomie sous anesthésie générale.

Globalement, la levée de ces obstacles a un impact certain sur la qualité du sommeil et les ronflements mais peu, voire pas, sur l’indice d’apnées-hypopnées et la saturation. « Néanmoins, elle améliore la tolérance et les niveaux de pression dans un traitement par PPC, un atout non négligeable dans les SAOS sévères et modérés ».


Source : Le Quotidien du Médecin