Prospective

En attendant le pancréas artificiel

Publié le 05/04/2013
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Encore plus que les diabétiques de type 2, les diabétiques de type 1 doivent composer avec le risque d’hypoglycémie. « Plus ces personnes visent la normalisation glycémique et le seuil de 7 % d’Hba1c, plus ils payent un lourd tribut et sont fragilisés au quotidien par le risque hypoglycémique, le rebond glycémique, la sur-correction, etc. Avec, bien souvent des hypoglycémies, pas toujours ressenties et finalement sévères », souligne le Pr Jacques Bringer, chef de service des Maladies endocriniennes à l’hôpital Lapeyronnie (Montpellier) et co-président du congrès de la SFD 2013.

Pour ces patients, l’espoir pourrait venir du pancréas artificiel (PA). Le principe consiste à associer un capteur de mesure en continu du glucose (CGC) et une pompe à insuline portable, le tout relié par un module de contrôle intégrant un logiciel de calcul des doses d’insuline nécessaire. La mesure du glucose automatisée est transmise en permanence au module de contrôle qui ordonne la quantité d’insuline que doit administrer la pompe pour maintenir la glycémie dans une fourchette proche de la normalité.

Des résultats très prometteurs

« Ce système en “boucle fermée” n’existe pas encore pour le traitement courant du diabète, souligne le

Pr Éric Renard (CHU et université de Montpellier ; CIC INSERM 1001), mais les progrès réalisés depuis trente ans nous en rapprochent peu à peu.?» Avec déjà en 2013 les premières preuves de sa fiabilité et de son intérêt en dehors de l’hôpital.

Une série d’essais en ambulatoire provenant des deux principaux consortiums internationaux vient d’être publiée. Pionnière, l’équipe du Pr Éric Renard, co-président du congrès de la SFD 2013, avait ouvert le bal en octobre 2011 et présente aujourd’hui ses résultats concluants. « Cette première étape évaluant la fiabilité du système a conclu, chez 20 DT1, à l’utilisation possible en toute sécurité en ambulatoire de notre système. Celui-ci fait appel au Diabetes Assistant (DiAs) sur Smartphone pour la gestion d’un algorithme de contrôle d’une pompe à insuline sur la base d’informations transmises par un CGC au moyen de la technologie Bluetooth », détaille-t-il.

Pour la première fois, des diabétiques adultes ont pu utiliser le PA pendant 18 heures à l’extérieur de l’hôpital afin de tester avec succès l’autonomie et la fiabilité du système. La seconde phase est déjà enclenchée. Cette fois-ci, les chercheurs utiliseront un algorithme de contrôle qui visera la normalisation glycémique (entre 0,70 g/l et 1,80 g/l) et non plus uniquement la correction d’excursions glycémiques excessives. « Nous attendons 2014-2015 pour monter des études de grande ampleur, sur des dizaines, – voire des centaines – de patients qui testeront sur plusieurs semaines et mois le PA dans la vie de tous les jours », ajoute le Pr Renard.

Une autre série d’essais internationaux prometteurs sur le pancréas artificiel est aussi en cours chez les DT1. Parus fin février 2013, les résultats de DREAM 3 attestent de l’efficacité de la boucle fermée en dehors de l’hôpital – en l’occurrence, un camp de vacances – sur les hypoglycémies nocturnes chez les enfants par rapport à une pompe à insuline classique avec un contrôle glycémique plus étroit et sans hypoglycémie sévère.

Les capteurs de mesure en continu du glucose remboursés ?

En attendant le pancréas artificiel, des outils permettant la mesure en continu du glucose (MCG) en temps réel sont d’ores et déjà disponibles. Les systèmes de MCG ambulatoire sont constitués d’un capteur de glucose, d’un émetteur et d’un récepteur-moniteur. Leur utilisation chez des diabétiques de type 1 sous pompe ou multi-injections permet un gain d’HbA1c sans majoration, voire avec une réduction des hypoglycémies selon le temps de port du système (40 % du temps au minimum). Leur utilisation pourrait être particulièrement bénéfique pour les diabétiques de type 1 vivant seuls. Du fait de leur « solitude », ces patients ont un risque de mortalité multiplié par 5,6. D’où l’utilité de ces capteurs de mesure en continu du glucose avec alerte dans cette population. « Il s’agit d’un progrès considérable, mais qui n’est pas à la portée de toutes les bourses, souligne le Pr Renard. En effet, les capteurs ne sont pas remboursés par l’Assurance Maladie. C’est le combat actuel de la diabétologie. » Le pas sera franchi d’ici à un an ou deux ans, espère, quant à lui, le Pr Bringer.

Le Dr Agnès Sola-Gazagnes (Paris) a présenté à la SFD 2013 une approche qualitative de l’utilisation de la MCG dans la « vraie vie » au travers de l'interview de patients et de leurs réponses à un questionnaire. Elle illustre le fait que la MCG est « bénéfique » en pratique médicale, avec, en plus d’un meilleur équilibre, une variabilité moindre et moins d’hypoglycémies. Celle-ci apparaît être un outil éducatif pour nombre de patients qui font des découvertes par rapport à leur diabète : hypoglycémies non ressenties, variations importantes, effet des émotions, vitesse de la montée des glycémies après ingestion de glucides ou le délai d’action des bolus.

Cette prise de conscience aboutit à des modifications positives de la gestion du traitement (plus de corrections, schémas différents selon les jours, modifications des débits de base, bolus faits plus tôt par rapport aux repas).

Optimiser les mesures de glycémies capillaires

Pour autant, pour le moment, l’auto-surveillance glycémique classique par mesures des glycémies capillaires reste l’élément central du schéma thérapeutique de la majorité des patients diabétiques de type 1. La fiabilité de ces mesures est donc essentielle pour éviter les accidents hypoglycémiques graves, des sur-corrections par bolus, etc. Or plusieurs facteurs extérieurs peuvent en affecter le résultat. L’utilisation d’alcool pour désinfecter la peau avant la mesure est ainsi déconseillée car suspectée de perturber les résultats.

D’autres?produits, comme certains laits corporels pourraient aussi être concernés comme en témoigne une étude expérimentale présentée à Montpellier. Dans ce travail, les auteurs ont testé l’impact

des? quatre laits les plus couramment utilisés en Afrique subsaharienne. Parmi les produits testés, ceux aux corticoïdes (0,1% hydrocortisone 17 butyrate), les huiles d’amande douce vierge et de palmiste blanche n’induisent aucune glycémie capillaire aberrante. À l’inverse, le lait à l’hydroquinone – contenu dans les pommades éclaircissantes et dépigmentantes – modifiait significativement les résultats (457 ± 137 mg/dL vs 244 ± 161 mg/dL), c'est-à-dire qu’il pouvait doubler voire tripler la valeur de la glycémie de référence, même après une heure de temps de pause. Ces résultats confirment le rôle capital du lavage des mains préalable à la mesure de glycémie capillaire puisqu’il annulait l’effet induit par ces laits.


Source : lequotidiendumedecin.fr