Dépistage du cancer colorectal, le sur-mesure en réflexion

Publié le 14/11/2024
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Alors que le risque de cancer colorectal dépend de nombreux paramètres, l’idée d’un dépistage davantage ciblé et personnalisé fait son chemin. Mais cette approche se heurte à plusieurs écueils.

Au-delà de l’âge et des antécédents, certains facteurs comme le sexe, l’ethnicité, l’alcool, le tabac, l’obésité, etc. pourraient être pris en compte

Au-delà de l’âge et des antécédents, certains facteurs comme le sexe, l’ethnicité, l’alcool, le tabac, l’obésité, etc. pourraient être pris en compte
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

En France, le dépistage du cancer colorectal est ajusté en fonction du risque individuel de cancer, mais de façon assez « simpliste », la stratégie adoptée étant fonction essentiellement des antécédents personnels ou familiaux. En pratique, la majorité de la population, sans antécédents et donc à risque moyen, débute dès l’âge de 50 ans un suivi par test immunologique fécal (FIT) biennal, tandis que les personnes considérées comme étant « à haut risque » en raison d’antécédents sont orientées vers la coloscopie.

Faut-il affiner davantage le niveau de risque pour « mieux dépister », comme l’a suggéré le Pr Ulrike Haug (Leibniz Institute for Prevention Research and Epidemiology, Brême, Germany), lors d’une session consacrée au dépistage du cancer colorectal (CCR) sur-mesure. Pour ce spécialiste, afin que le dépistage concentre les ressources sur les personnes qui en tireraient le plus de bénéfices, le niveau de risque devrait tenir compte d’autres facteurs : sexe, ethnicité, alcool, tabac, obésité, diabète, sédentarité, etc.

Le mieux ennemi du bien

Néanmoins, les nombreux modèles de prédiction du risque sont loin d’être parfaits, reconnaît le Pr Haug : « il faut en particulier se garder de déconseiller le dépistage chez les personnes considérées comme à faible risque ». Par exemple, 60 % des femmes présentant un cancer colorectal auraient reçu l’avis de ne pas faire de dépistage cinq ans avant si elles avaient utilisé le calculateur « QCancer » décrit dans BMJ.

Les nombreux modèles de prédiction du risque sont loin d’être parfaits

De plus, comme le suggère le Pr Thierry Ponchon (hôpital Édouard-Herriot à Lyon), « l’étape complexe d’évaluation du risque peut détourner les personnes - et les professionnels - du dépistage ». Rien que l’ajustement à la française, avec ces deux niveaux de risque, pourrait expliquer les faibles taux de participation et l’effet moins important du dépistage sur la baisse de l’incidence du cancer en France par rapport à l’Allemagne et aux États-Unis où le type de dépistage n’est pas fonction du niveau de risque. Par ailleurs, concernant les antécédents familiaux à prendre en compte pour un dépistage sur-mesure, « les informations histologiques sont la plupart du temps difficiles voire impossibles à obtenir de la part des patients », relève le Pr Ponchon.

Vers un dépistage dès 45 ans ?

L’âge de début est également sujet à réflexion. L’élément nouveau est l’augmentation importante de l’incidence du CCR chez les moins de 50 ans : + 1,6 %/an entre 40 et49 ans et + 8 % entre 20 et 29 ans. L'American Cancer Society prône désormais le dépistage du cancer colorectal dès 45 ans. Une étude de cohorte coréenne (H.-S. Kim et al) focalisée sur le dépistage par coloscopie a évalué l'effet préventif de la coloscopie chez les 40-49 ans, avec un risque de cancer colorectal réduit de 37 % chez les sujets en fin de quarantaine et de 32 % en début de quarantaine. « Se pose avec une relative urgence la question de proposer en France le dépistage aux personnes entre 45 et 49 ans », estime Thierry Ponchon.

Dès à présent, le résultat du FIT -un élément objectif et précis du risque- pourrait être exploité. Il est en effet admis que les niveaux les plus élevés au-dessus du seuil de référence pour une coloscopie devraient conduire à proposer une coloscopie en priorité. Mais des niveaux élevés en dessous du seuil de référence devraient aussi retenir l’attention, comme l’indique le Pr Haug. Cette piste est explorée par exemple par les essais BIOFIT (Italie) et PERFECT-FIT (Pays-Bas) qui cherchent à déterminer l'intervalle optimal entre deux dépistages par FIT en fonction des niveaux cumulés d'hémoglobine des tests FIT précédents.

D’après la session « CRC: It's all about screening »


Source : Le Quotidien du Médecin