/ Pr Francis Couturaud / Brest

Une mortalité multipliée par 5

Publié le 27/05/2022
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Cette étude montre tout d’abord que chez les patients admis à l’hôpital pour une exacerbation de BPCO, on diagnostique 44 EP et 10 TVP isolées — soit 7,3 % des patients — qu’elles soient, ou non, suspectées à l’entrée. Chez les 686 patients pour lesquels l’algorithme permettait d’exclure l’EP, 5 (soit 0,7 % de patients) ont développé une EP, un taux bien largement en dessous du seuil de risque « incompressible » de 1,7 % (seuil de sécurité défini par les consensus internationaux).

Le pronostic associé à une EP/TVP est très mauvais. Chez les 54 personnes avec une EP/TVP, la mortalité était de 26 % à trois mois, vs. 5,2 % chez ceux sans EP. Une mortalité associée à l’EP cinq fois plus élevée, qu’on retrouve dans tous les sous-groupes. Lorsque l’EP est suspectée cliniquement à l’entrée, elle est confirmée dans 11,7 % des cas — un chiffre cohérent avec ce qu’on retrouve chez les personnes non BPCO —, et la mortalité est de 27 % à 3 mois, alors que, si l’algorithme a permis de l’éliminer, le taux de décès est de 7 %.

Pour 60 % des patients, l’EP n’était cliniquement pas suspectée et l’algorithme en met en évidence 4,3 %, ce qui est loin d’être négligeable. Là aussi, elle s’associe aussi à une mortalité multipliée par 5 à 3 mois (26 % vs 4,7 %). Ce qui signifie aussi que, si on se fie à la seule suspicion clinique, on passe à côté de 4,3 % d’EP !

Enfin, 43 % des décès par EP étaient liés à la présence d’un cancer (1/3 pulmonaire et 2/3 autres localisations), connu dans un tiers des cas. Une implication majeure : le cancer doit être recherché systématiquement dans ce contexte, probablement par un Pet-scanner en l’absence d’anomalie à l’angioscanner.

Une démarche rigoureuse

En pratique, il faut toujours évoquer la possibilité d’une EP en cas d’exacerbation de BPCO, que ce soit d’emblée ou dans les 48 premières heures en l’absence d’amélioration clinique franche. À condition d’utiliser un algorithme diagnostique rigoureux, incluant systématiquement la probabilité clinique d’EP, qui réduit le recours à des examens inutiles. Il ne faut pas céder à la tentation d’un angioscanner systématique sans évaluation de la probabilité clinique, pour ne pas exposer les patients à une irradiation inutile et ne pas augmenter le risque de faux positifs et de faux négatifs. Il a été prouvé qu’une méthode diagnostique inadéquate peut manquer 9 % d’EP, dont la moitié décède (2).

Exergue : « Si on se fie à la seule suspicion clinique, on passe à côté de 4,3 % des cas ! »

Propos recueillis par la Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr