Après une expérience hors normes, le Dr Stéphane Fraize a retrouvé ce lundi ces patients à la maison de santé de Saint-Caprais-de-Bordeaux, en Gironde. Le généraliste revient pour Le Quotidien sur sa mission de dix mois, au sein de la station scientifique franco-italienne Concordia, en Antarctique. Outre froid, nuit polaire et isolement, l’hypoxie arrive bien en tête des difficultés rencontrées…
Pour le poste de médecin de la base Concordia, dirigée par l’Institut polaire Paul-Émile Victor et le PNRA (Programma Nationale di Ricerche in Atardide), le Dr Stéphane Fraize confesse avoir dit « oui, en moins d’une minute ! ». Averti le 31 août 2022 de l’opportunité d’un départ en Antarctique, le médecin devait impérativement démarrer à l’hôpital d’Instruction des Armées de Percy à Clamart, une formation intensive de quatre mois. En anesthésie, imagerie, chirurgie, biologie, dentisterie… Dès le 12 septembre ! Premier défi pour le généraliste en exercice depuis quelques années à la maison de santé pluriprofessionnelle de Saint-Caprais-de-Bordeaux en Gironde.
Relais dans l’urgence
« J’ai eu beaucoup de chance, car mes quatre collègues de la maison de santé sont extrêmement bienveillants. On s’entend tous très bien. On a pu s’organiser assez vite pour assurer le relais médical et permettre ce départ… » Et c’est par Email ou par courrier postal que le généraliste a informé l’ensemble de sa patientèle de son projet dans l’Antarctique. « En retour, j’ai eu des messages sympas, et des réactions positives. Ce qui a dominé, c’est une forme de fierté, de sympathie et d’intérêt ! » souligne le Dr Stéphane Fraize.
70 patients potentiels
Comme c’est le cas dans les cinq stations en Antarctique, l’essentiel du travail de recherches se fait en campagne d’été, à partir de novembre jusqu’au début du mois de février. Trois mois pendant lesquels les températures sont suffisamment clémentes avec - 30 à - 45 °C, pour permettre aux avions d’atterrir. C’est une période d’intense activité avec l’arrivée des scientifiques qui démarrent leurs études et des techniciens qui mettent en place les installations et effectuent la maintenance. La base compte alors, près de 70 " campagnards d’été". Et autant de potentiels patients ! Mais lorsqu’en février, les températures chutent en dessous des - 50 °C, la base de recherches, coupée du restant du monde, vit cette autre période, dite "d’hivernage" en totale autonomie. Seule une équipe de 12 personnes reste sur place. Dont le Dr Fraize qui a rejoint la station Concordia, le 11 janvier 2023. « À part nous, précise-t-il, il n'y avait aucun être vivant à moins de 1 000 km. Nous étions six Français, cinq Italiens et un Allemand, six scientifiques, quatre techniciens, un médecin et un cuisinier, ancien chef triplement étoilé au guide Michelin ! »
Médecin de soins
C’est l’agence spatiale européenne qui finance depuis vingt ans le poste de "médecin de soins" pour l’ensemble des "campagnards d’été" et " hivernants". Elle collecte par ailleurs, des données de santé ou comportementales observées au cours des missions en situation extrême. « J’étais concerné comme "cobaye" au même titre que les 11 autres membres de l’équipe, car c’est un médecin junior qui est embauché spécifiquement pour ce travail ». Globalement, les soins dispensés par le Dr Fraize étaient plutôt dermatologiques. En lien direct avec le froid et au peu d'humidité dans l'air : des engelures, des crevasses. Ou concernaient des petites traumatologies et, pas mal de soins dentaires… D’ailleurs, pour remédier à la perte de l’une de ses propres couronnes, le praticien a dû improviser, une petite formation en dentisterie à l’attention d’un collègue allemand plus à l’aise dans la recherche. Un exercice pratique, effectué sur une tête de porcelet préalablement décongelée par le chef étoilé italien ! « Une anecdote, significative de ce que représentait la réalité sur la base Concordia, dans une situation d’isolement, on était obligé d’être autonomes, voire créatifs. À mon retour j’ai vu mon dentiste, et la couronne va bien ! », s’amuse encore le Dr Stéphane Fraize.
Hypobarie et hypoxie
Plus sérieusement, selon le généraliste - qui a repris depuis lundi, ses consultations à Saint-Caprais-de-Bordeaux -, la plus grande des difficultés à surmonter, était avant tout, respiratoire. « On a vécu des conditions d’hypobarie et d’hypoxie extrêmes. On a passé presque un an à être entre 87 et 91 pour cent de saturation ! Ce qui provoque un essoufflement permanent, des troubles du sommeil, des apnées qui impactent fortement la qualité de la récupération. Quand je pense qu’à 90 pour cent, j’envoie mes patients d’ici, aux urgences ! » Et du reste, le Dr Stéphane Fraize a dû écourter de quinze jours sa mission car : « La seule vraie grosse urgence que j’ai pris en charge en Antarctique, était une pathologie liée à l’altitude. Elle s’est soldée par l’évacuation sanitaire du patient en Nouvelle-Zélande ».
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