LES RÉSISTANCES bactériennes constituent un problème majeur de santé publique. Ces résistances, qui apparaissent rapidement après 3 ou 4 ans d’utilisation d’un nouvel antibiotique, sont plus fréquentes avec certaines familles, les fluoroquinolones par exemple.
Elles découlent directement du niveau de consommation. Or, la France est le troisième pays le plus consommateur (en volume pondéré par habitant) en Europe, derrière Chypre et la Grèce. Ce haut niveau de consommation est le fait de prescriptions médicales mais aussi d’un usage vétérinaire, les antibiotiques, notamment les fluoroquinolones, étant dans ce contexte très utilisés dans des buts trophiques. « Ce problème a été pris en compte, et le recours aux antibiotiques en médecine vétérinaire a été réduit au cours de ces dernières années », note le Pr Franck Bruyère. « Dans le domaine de la santé humaine, les programmes de maîtrise de la consommation sont efficaces, comme cela a été constaté à l’issue de la première campagne nationale « les antibiotiques, c’est pas automatique » ».
À côté de la consommation élevée, le mésusage joue aussi un rôle dans l’acquisition de résistances : doses inappropriées (en particulier aminosides sous-dosés), durées de prescription trop longues ou trop courtes ou encore mauvaises indications. Actuellement, les résistances aux quinolones et l’augmentation des entérobactéries BLSE (bêta-lactamases à spectre étendu), qui résistent aux céphalosporines de troisième génération, sont particulièrement préoccupantes. « Les résistances aux quinolones sont associées à la prise récente (moins de 6 mois) d’antibiotiques et concernent tout particulièrement les sujets revenant de pays à forte incidence (30 % pour le pourtour méditerranéen versus 12-13 % en France). Pour les BLSE, nous sommes en 2013 au niveau où nous étions en 2005 avec les SARM (staphylococcus aureus résistant à la méticilline), dont le taux de résistances a été réduit grâce à divers programmes, notamment le respect de mesures d’hygiène. Les BLSE se transmettent aussi de mains en mains », insiste le Pr Bruyère.
En pratique, le suivi de quelques règles de prescription permet de réduire l’acquisition de résistances.
- Se poser systématiquement la question du caractère indispensable de l’antibiothérapie.
- Respecter les mesures d’hygiène (se laver les mains entre chaque patient) et d’isolement.
- Documenter les infections. Il faut absolument éviter les antibiothérapies probabilistes et en particulier demander systématiquement un ECBU (examen cytobactériologique des urines) avant de traiter une pyélonéphrite.
- Réduire l’utilisation des antibiotiques à forte pression de sélection, comme c’est par exemple le cas pour les fluoroquinolones.
- Traiter précocement, en raison de l’effet inoculum. Plus on attend, plus le germe se sera multiplié.
- Personnaliser la durée de l’antibiothérapie, en traitant de façon la plus brève possible selon le contexte. La furadantine sera prescrite pour 7 jours chez une femme ménopausée, les traitements courts seront proscrits chez la femme enceinte.
- Varier le choix des antibiotiques. En cas d’antibiothérapie au long cours dans les cystites récidivantes, il est préconisé de ne pas recourir toujours au même antibiotique, mais de les alterner (stratégie du cycling).
- Faire une bonne évaluation initiale. « Il ne faut pas interpréter à la lettre un antibiogramme et traduire le S de sensible en « je peux prescrire cet antibiotique ». L’antibiotique doit répondre à trois problématiques : le site, le germe et le terrain (allergie, grossesse, sport de haut niveau…) ».
- Réévaluer après 48 à 72 heures. « Trop souvent, les patients repartent avec une prescription sans qu’aucun contrôle ne soit prévu » regrette le Pr Bruyère. Et ce n’est pas parce que la fièvre a disparu que l’infection a elle aussi disparu. Il faut notamment faire un ECBU de contrôle en cas de pyélonéphrite ».
- Surveiller l’évolution des résistances en fonction du lieu géographique.
D’après un entretien avec le Pr Franck Bruyère, CHRU Tours.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024