En 2012, le Comité vessie du Comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (CCAFU) a émis des recommandations de bonnes pratiques sur les indications, la réalisation et la gestion des effets secondaires des instillations de mitomycine C (Amétycine) afin d’uniformiser les pratiques jusqu’alors très hétérogènes. Dans le même temps, la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DCCRF) en association avec la CNAM autorisait pour l’instillation d’Amétycine, la facturation par l’établissement d’un GHS d’ambulatoire correspondant à une séance de chimiothérapie, sous réserve du respect de la préparation et de la manipulation du produit selon les caractéristiques énoncées dans le Vidal. Ainsi, de nombreux d’urologues ont évolué vers une réalisation de ces instillations en ambulatoire avec une surveillance de 2 heures après la mise en place du produit, une neutralisation de la première miction par de la javel et un retour du patient à domicile.
Malgré cela certains collègues sont confrontés à des difficultés pour réaliser leurs instillations. Les premiers concernés sont ceux exerçant dans des structures disposant de l’agrément de cancérologie urologique mais sans agrément de cancérologie médicale, ce sont le plus souvent des cliniques privées à activité chirurgicale prédominante. Certaines Agences régionales de santé (ARS) demandent que l'établissement passe une convention avec un autre établissement agréé en cancérologie médicale et que la préparation de l’Amétycine soit confiée à une pharmacie habilitée à préparer des chimiothérapies. L’ARS demande même parfois que la prescription initiale soit faite par un oncologue de l’établissement ! À l’heure de l’obtention par les urologues de la Validation des acquis d’expérience (VAE) en cancérologie médicale, c’est assez frustrant. Il existe aujourd'hui des dispositifs performants pour la préparation des produits toxiques qui garantissent l’absence de risque d’exposition du personnel au produit. Pourtant, les ARS ne veulent pas reconnaître la spécificité des instillations endovésicales tant en termes de préparation que de réalisation. Cela oblige à la signature de convention, induit des coûts supplémentaires pour les établissements voire des contraintes pour les patients. Sont-ils mieux soignés ? Le personnel est-il moins exposé au toxique ? Probablement non mais le rouleau compresseur administratif de l’ARS et le principe de précaution très français écrasent toutes ces considérations.
D’autre part les CPAM remettent en cause la facturation par les établissements d’un GHS d’ambulatoire pour les instillations d’Amétycine, s’appuyant sur les caractéristiques du produit qui stipulent que le patient doit uriner pendant les 6 heures suivant l’instillation sur le lieu où celle-ci a été réalisée pour neutraliser le produit, cette procédure devant être tracée. D’où vient cette mention et quel est son fondement scientifique ? Impossible de le savoir. Combien d’accidents par exposition au produit ont été déclarés ces 20 dernières années ? Sans doute aucun mais tout est bon pour remettre en cause la facturation d’un GHS. Ainsi certains établissements ont été contraints de rembourser la CPAM pour des actes justifiés mais sans traçabilité du passage du patient aux toilettes… Depuis, les urologues s’adaptent en gardant 6 heures en surveillance les patients, contrainte supplémentaire pour un traitement préventif et des patients encore très actifs.
Défendre une autre pratique
Que peuvent faire l’AFU et le Syndicat national des chirurgiens urologues français face à ces contraintes administratives. Sans doute rien diront certains, le combat avec les ARS et les CPAM étant trop inégal et compliqué. Soit cette surveillance de 6 heures est justifiée et les caisses réussiront à la faire appliquer. Soit c’est un principe de précaution excessif et nous pouvons peut-être défendre une autre pratique qui correspond mieux à la vraie vie. Nous pouvons étudier les pratiques dans les autres pays d’Europe. Puis chercher si cette surveillance de 6 heures est justifiée : la même mention légale du produit précise que celui-ci doit être administré immédiatement après reconstitution du fait de sa dégradation rapide, personne ne s’est demandé si une préparation 2 à 3 heures plus tôt altérait l’efficacité du produit. Quelle quantité d’Amétycine est réellement présente dans la 2e ou 3e miction. Pourquoi le patient est-il jugé incapable de mettre dans ses toilettes de la javel avant d’uriner lors de son retour à domicile ? Le comité vessie du CCAFU et le syndicat ont là un protocole à éclaircir voire à défendre susceptible d’améliorer la vie des patients et l’organisation des services d’urologie ou d’ambulatoire. Le juste milieu entre sécurité du patient, du personnel et principe de précaution doit pouvoir être trouvé dans l’intérêt de tous.
Clinique Pasteur, Royan
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