DE NOTRE CORRESPONDANTE
POUR DES RAISONS qui restent obscures, les patients atteints de maladie rénale chronique ont un risque élevé de mourir de causes cardiovasculaires, et les patients en insuffisance rénale terminale (IRT) encourent une mortalité annuelle de 15 à 20 % largement attribuée à la maladie cardiovasculaire. Les efforts visant à modifier l’hypercholestérolémie n’ont rien changé, suggérant l’implication d’autres mécanismes.
L’urée pourrait-elle être en cause ? Issue du métabolisme protéique, elle est normalement excrétée dans l’urine, mais s’accumule dans le sang des insuffisants rénaux et n’est que faiblement extraite par la dialyse.
Carbamylation et athérogenèse.
L’urée peut favoriser la carbamylation des protéines, y compris de l’albumine (son principal site de carbamylation est la lysine 549). Or, de récentes données ont suggéré que la carbamylation des protéines pourrait contribuer à l’athérogenèse ; en effet les lipoprotéines carbamylées s’accumulent dans les macrophages et les plaques athéroscléreuses.
Berg (Harvard Medical School, Boston) et collègues apportent un nouvel éclairage dans une étude publiée dans Science Translational Medicine.
Ils ont développé un test à haut-débit, utilisant la spectroscopie de masse, qui permet de quantifier précisément la carbamylation de l’albumine (sur la lysine 549).
Ce test montre que le pourcentage d’albumine carbamylée est en moyenne deux fois plus élevé chez les patients avec maladie rénale chronique de stade 3 ou 4 que chez les sujets non urémiques (0,9 % contre 0,42 %).
Dans la population des insuffisants rénaux dialysés, le pourcentage d’albumine carbamylée est accru chez ceux qui décèdent dans l’année comparée à ceux qui survivent au-delà d’un an (1 % contre0,77 %).
Le risque de décès associé au pourcentage d’albumine carbamylée reste significatif même après ajustement pour d’autres facteurs de risque (hasard ratio : 3,23). Et cette association a été confirmée dans une cohorte indépendante de plus de 1 100 sujets diabétiques en IRT (hasard ratio : 3,73).
Ils ont aussi découvert que de faibles concentrations sériques d’acides aminés sont associées à un taux d’albumine carbamylée accru chez les patients dialysés.
Et des expériences, in vitro sur des cellules et chez la souris, montrent que les acides amines inhibent de façon compétitive la carbamylation des protéines, en agissant comme des piégeurs de carbamylation.
Ces résultats suggèrent donc que l’urée élevée au long cours favorise la carbamylation des protéines chez les insuffisants rénaux et que les concentrations sériques d’acides aminés pourraient moduler cette modification des protéines.
"En résumé, nous avons identifié le pourcentage d’albumine carbamylée comme étant un facteur de risque de mortalité pour les patients en IRC et nous proposons que ce facteur de risque pourrait être modifiable avec une thérapie de supplémentation en acides aminés", concluent les chercheurs.
Une supplémentation en acides aminés.
"Bien que la dialyse soit vitale et nécessaire pour extraire l’eau et l’urée en excès chez les patients insuffisants rénaux, elle appauvrit aussi le sang en acides aminés et autres nutriments essentiels. Ainsi, elle enlève à la fois le bon et le mauvais, et donc la simple augmentation des séances de dialyse chez les patients ne réduira pas nécessairement la carbamylation des protéines", explique le Dr Anders Berg.
Il ajoute que les futures études devront évaluer si une thérapie de supplémentation en acides aminés peut réduire la carbamylation des protéines sans risques associés, ou s’il existe des façons de modifier les méthodes de dialyse afin d’extraire l’urée sans diminuer les acides aminés.
"Cette étude représente un premier pas important pour identifier les patients insuffisants rénaux sous dialyse qui sont à risque de maladies cardiovasculaires ; elle justifie de les traiter avec des thérapies peu coûteuses et non toxiques comme les acides aminés", estime le Dr Vikas Sukhatme, néphrologue au Beth Israel Deaconess Medical Center (Boston, États-Unis) qui n’a pas participé à ces travaux.
Science Translational Medicine, Berg et coll., 6 mars 2013
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