La dénervation rénale consiste en l’ablation par voie endovasculaire des filets nerveux sympathiques qui cheminent dans l’adventice des artères rénales par courant de radiofréquence de faible intensité ou ultrasons focalisés. Après des études chez l’animal, le développement de cette technique s’est fondé sur l’étude SYMPLICITY HTN-1, qui a confirmé sa faisabilité, puis l’essai contrôlé randomisé ouvert SYMPLICITY HTN-2, qui a mis en évidence un effet majeur sur la pression artérielle. Malgré des limites méthodologiques, la technique a alors été autorisée et proposée aux patients en échec thérapeutique répondant à des critères précis.
Deux essais contrôlés randomisés ont ensuite été menés en parallèle.
1) L’un aux Etats-Unis, Symplicity HTN-3, essai multicentrique initié par Medtronic qui a inclus versus placebo (intervention simulée, dite "sham" ) plus de 500 patients et n’a pas montré de différence significative entre les deux groupes en terme de baisse de pression artérielle clinique et ambulatoire après 6 mois de suivi.
2) Le second en France, DENER-HTN, mené dans le cadre d’un STIC (soutien aux techniques innovantes coûteuses), coordonné par le centre d’excellence en HTA de l’hôpital européen George Pompidou (www.centre-hypertension.org) et réalisé au sein de centres d’excellence en HTA. Il a randomisé 106 patients en ouvert pour bénéficier ou non d’une dénervation rénale en plus d’un traitement antihypertenseur optimisé.
Plusieurs paramètres peuvent avoir contribué à l’échec de Symplicity HTN-3 : 1) le manque de standardisation de la mesure de la pression artérielle, 2) les biais liés au protocole thérapeutique non standardisé, avec des modifications de traitement chez environ 40% des patients, 3) l’absence d’évaluation de l’observance, 4) la baisse moindre qu’attendue des valeurs de pression artérielle dans le groupe dénervation contrastant avec celle relativement marquée dans le groupe "sham", 5) l’hétérogénéité des procédures de dénervation d’un centre à l’autre
Cet essai a eu toutefois le mérite de confirmer la sécurité de la technique à court et moyen terme, en particulier le faible risque de dissection artérielle rénale. Le risque de sténose artérielle rénale à long terme est probablement faible mais reste mal connu et impose un suivi prolongé des patients, recommandé le consensus français.
Les résultats de l’essai français sont pour leur part positifs. Après 6 mois de suivi, la baisse moyenne de pression artérielle systolique en mesure ambulatoire diurne était de 15,8 mmHg dans le groupe « dénervation rénale associée à un traitement médicamenteux optimisé » et de 9,9 mmHg dans le groupe « contrôle ne recevant que le traitement médicamenteux optimisé seul », soit une réduction supplémentaire d’environ 6 mmHg avec la dénervation. Le nombre de médicaments antihypertenseurs a été augmenté progressivement de façon similaire dans les 2 groupes pour atteindre une moyenne de 5 médicaments après 6 mois de suivi. L’observance était similaire dans les 2 bras de l’étude. Le contrôle tensionnel en mesure ambulatoire de 24 heures était obtenu chez 39,6% des patients ayant eu la dénervation rénale, soit environ le double de celui obtenu dans le groupe contrôle (18,9%). Enfin, il existe une forte variabilité de la réponse tensionnelle à la dénervation rénale. Les facteurs prédictifs de la réponse sont en cours d’étude.
La baisse tensionnelle supplémentaire observée avec la dénervation rénale peut paraître modeste mais elle a un vrai sens en termes de prévention des accidents graves (AVC, infarctus…) imputables à l’HTA. Par ailleurs, le suivi à 1 an se poursuit pour donner des indications sur le maintien à distance de la baisse tensionnelle.
L’incidence des complications liées au geste était minime : sur 46 procédures de dénervation rénale,un hématome mineur au point de ponction, spontanément réversible, des douleurs lombaires chez deux patients. La fonction rénale a évolué de façon attendue et similaire dans les deux groupes (réduction du débit de filtration glomérulaire estimé par MDRD de l’ordre de 5 à 10%).
La qualité méthodologique de cette étude réside dans les points suivants : (1) l’évaluation ambulatoire pression artérielle 6 mois après la dénervation rénale comme critère de jugement principal, (2) la randomisation des patients en groupe traitement médical seul et traitement médical + dénervation rénale, (3) la standardisation et la titration du traitement antihypertenseur identique dans les deux groupes selon les résultats de l’automesure tensionnelle, (4) l’évaluation de l’observance par le dosage des médicaments, (5) la réalisation de l’essai dans le réseau français des centres d’excellence en HTA et (6) la totale indépendance financière vis-à-vis du fabricant.
Ces deux essais confirment l’hétérogénéité de la réponse thérapeutique, majeure chez certains patients, mineure voire nulle chez d’autres.
Il est essentiel aujourd’hui de poursuivre les recherches pour trouver des marqueurs de réponse tensionnelle afin de définir la meilleure population cible et évaluer de nouveaux cathéters permettant une dénervation plus reproductible et moins variable. Avant de tirer des conclusions définitives, il faut savoir être patient, comme cela a été par exemple le cas pour l’angioplastie de l’artère rénale dont l’histoire a débuté au début des années 80 et s’est poursuivie avec les résultats négatifs de l’essai CORAL en 2014.
Pr Michel Azizi
Centre d’excellence en hypertension artérielle, hôpital européen George Pompidou, université Paris-Descartes, Inserm CIC1418.
Bhatt DL et al N Engl J Med. 2014;370(15):1393-401
Azizi M et al Lancet. 2015 Jan 23. pii: S0140-6736(14)61942-5. doi: 10.1016/S0140-6736(14)61942-5. [Epub ahead of print]
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