Jusqu'à présent les traitements dans le cancer du rein métastatique reposaient sur les antiangiogéniques, sunitinib ou pazopanib. « Nous avons eu un changement de standard suite aux résultats, présentés il y a un an, de l'étude ChechMate 214 qui comparait au sunitinib une stratégie de double immunothérapie associant le nivolumab et l'ipilimumab. Homologuée depuis peu à l'échelle européenne, cette association n'est pas encore disponible en France. Si actuellement nous avons accès en routine à l'immunothérapie en deuxième ligne ou plus, nous sommes en attente d'un remboursement pour la double immunothérapie en première ligne. Les recommandations européennes de l'ESMO préconisent cette double immunothérapie chez les patients à risque intermédiaire et mauvais, soit environ 80 % des patients avec un cancer du rein avancé », explique la Dr Laurence Albiges, responsable du comité de cancérologie génito-urinaire à Gustave Roussy. Quant aux patients de bon pronostic, le standard restait jusqu'à présent les anti-angiogéniques en monothérapie. Cependant, une étude présentée au congrès de l'ASCO GU est venue proposer une nouvelle stratégie thérapeutique…
Bénéfice démontré sous pembrolizumab-axitinib quel que soit le pronostic
L'essai d'enregistrement de phase III Keynote 426 a inclus 861 patients atteints de carcinome rénal métastatique à cellules claires, quel que soit leur pronostic (1,2). Il évalue, par rapport au sunitinib, la combinaison d'une immunothérapie, le pembrolizumab (inhibiteur de checkpoint anti-PD1), à un anti-angiogénique oral, l'axitinib (anti-VEGFR). « Même si les médianes ne sont pas encore atteintes, l'étude montre déjà une amélioration significative de la survie globale (SG) avec cette association, chez l'ensemble des patients traités en première ligne. » Avec un suivi médian de 12,8 mois, l'association diminue de 47 % le risque de décès (HR = 0,53) et les taux de SG à un an s'élèvent à 89,9 % avec la combinaison versus 78,3 % sous axitinib (p < 0,0001). Quant à la survie sans progression (SSP), elle passe de 11,1 mois sous sunitinib à 15,1 mois avec l'association (HR = 0,69 ; p < 0,0001). Les taux de réponse objective sont également augmentés : 59,3 % des patients avec la stratégie expérimentale versus 35,7 % sous sunitinib (p < 0,0001). « Les trois critères de jugement (SG, SSP et taux de réponse) sont en faveur de l'association. Cette étude va probablement venir bousculer les recommandations mais elle concernera, cette fois-ci, l'ensemble des patients en première ligne que leur pronostic soit bon, intermédiaire ou mauvais. »
Vers quelle stratégie s'orienter en première ligne ?
Dans l'essai Keynote 426, l'association pembrolizumab-axitinib se compare au sunitinib alors que le traitement standard évolue depuis les résultats de l'étude CheckMate 214 avec la combinaison nivolumab-ipilimumab. « Nous n'avons pas de comparaison directe entre une stratégie de double immunothérapie et l'association anti-angiogénique et immunothérapie. Les deux études ont le même bras de comparaison, le sunitinib, mais ne sont pas superposables en termes de population », met en garde la Dr Albiges. En effet, l'étude Keynote 426 a inclus un peu plus de patients de bons pronostics alors que l'essai CheckMate 214 était conçu pour évaluer les patients de pronostic intermédiaire ou mauvais. « Avec un bénéfice en survie dans les deux études, les recommandations vont vraisemblablement évoluer pour intégrer ces résultats mais la question du choix entre les deux stratégies thérapeutiques se posera chez les patients de pronostic intermédiaire ou mauvais. »
Pour orienter le choix de la stratégie thérapeutique, l'existence de contre-indications et la tolérance des combinaisons sont également à prendre en compte. Dus à l'anti-angiogénique ou à l'immunothérapie, 63 % d'effets secondaires de haut grade liés au traitement ont été rapportés avec l'association pembrolizumab-axitinib, contre 58 % sous sunitinib. Quant à la double immunothérapie, elle augmente le risque de toxicités immunomédiées, notamment en raison de l'ipilimumab qui est associé à des colites auto-immunes nécessitant une hospitalisation, voire une prise en charge spécialisée en gastroentérologie. « Il est nécessaire de bien connaître le spectre des toxicités immunomédiées (pneumopathies, colites…) et de faire rapidement appel à des réseaux « immunotox », intégrant les spécialistes compétents ». Avec des effets secondaires souvent précoces et 22 % d'arrêt de traitement liés à la toxicité, le profil de tolérance de l'association nivolumab-ipilimumab est moins bon que celui du sunitinib (3).
Quant au biomarqueur PDL1, pourrait-il influencer le choix de la stratégie ? Dans l'étude ChekMate 214, le bénéfice est démontré quel que soit le statut du biomarqueur. Quant à l'étude Keynote 426, elle concerne une population générale de patients en première ligne de cancer du rein, quelle que soit l'expression de PDL1. Ainsi, l'expression du biomarqueur ne conditionne ni la prescription de la double immunothérapie, ni celle de pembrolizumab-axitinib. « Néanmoins, sa recherche pourrait être intéressante. L'expression de PDL1 sur les cellules tumorales étant associée dans l'étude ChekMate 214 à un taux de réponse plus important, la présence du biomarqueur orienterait donc davantage le choix vers la double immunothérapie. »
De nouvelles combinaisons à venir…
D'autres associations sont à l'étude, comme dans l'essai JAVELIN qui évalue l'anti-PDL1, avelumab, combiné à un anti-angiogénique, l'axitinib, chez 886 patients, dont 560 surexprimant le biomarqueur (4). L'association a montré dans cet essai, par rapport au sunitinib, un bénéfice en SSP (13,8 versus 7,2 mois en cas de surexpression de PDL1 [HR = 0,61 ; p < 0,0001] et 13,8 vs 8,4 mois en population générale [HR = 0,69 ; p = 0,0001]) et en taux de réponse (respectivement 55,2 % vs 25,5 % et 51,4 % vs 25,7 %). Cependant, un suivi plus long est nécessaire pour évaluer son intérêt en termes de SG. « C'est une association à suivre qui pourrait venir compléter l'arsenal thérapeutique en première ligne », conclut la Dr Albiges.
D’après un entretien avec la Dr Laurence Albiges, responsable du comité de cancérologie génito-urinaire à Gustave Roussy
(1) Powles T. et al. Pembrolizumab plus axitinib vs sunitib as first-line therapy for advanced renal cell carcinoma : Keynote-426 ; Genitourinary Cancers Symposium 2019, présentation orale
(2) Rini B.I. et al. Pembrolizumab plus Axitinib versus Sunitinib for Advanced Renal-Cell Carcinoma. N Engl J Med 16 février 2019, NEJM.org
(3) Motzer R.J. et al. Nivolumab plus Ipilimumab versus Sunitinib in Advanced Renal-Cell Carcinoma. N Engl J Med 2018;378:1277-90.
(4) Motzer R.J. et al. Avelumab plus Axitinib versus Sunitinib for Advanced Renal-Cell Carcinoma. N Engl J Med 16 février 2019, NEJM.org
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