COMBIEN DE TEMPS préscrire un traitement antiostéoporotique ? Faut-il le poursuivre au-delà de cinq ans ? Les médecins prennent en charge de plus en plus de patients ostéoporotiques traités depuis de nombreuses années et se posent donc légitimement la question de la durée optimale de tels traitements. De prime abord, la réponse peut paraître simple. En effet, les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) publiées en 2006 apportent une réponse consensuelle : il convient de traiter au moins cinq ans. Au-delà de cette première période, une évaluation individuelle du rapport bénéfices/risques permet de décider de la poursuite ou de l’interruption du traitement. Cette période initiale de cinq ans a été établie sur la base de nombreuses études pivots de phase III, conduites sur des périodes de trois à cinq ans, et ayant montré un bénéfice important à traiter les patientes à haut risque de fracture.
Réévaluer après cinq ans.
Si la démarche intellectuelle est bien codifiée, la difficulté réside en fait dans la réévaluation individuelle du rapport bénéfices/risques aux termes de cette première séquence thérapeutique. L’objectif premier du traitement est de diminuer le risque de fracture. Il convient donc après cinq ans de traitement de réévaluer le niveau de risque de chaque patiente. Si la patiente reste à haut risque de fracture, la poursuite du traitement est justifiée. Si le risque est jugé comme étant devenu modéré à faible, une interruption peut être proposée à la patiente, avec la possibilité d’une reprise ultérieure.
S’il existe des données solides issues de larges cohortes permettant d’évaluer correctement le risque individuel en début de prise en charge, il existe peu de données scientifiques permettant de savoir si cette évaluation reste identique sur le long terme, une fois le traitement instauré. Les études d’évaluation sur d’aussi longues durées sont très rares. Il n’existe pas de relation connue entre les résultats de densitométrie et le risque de fracture après traitement, et l’on ne connaît pas bien la durée de la persistance de la réduction du risque fracturaire après arrêt d’un traitement. Rappelons que l’indice FRAX ne peut être utilisé dans cette situation, car il a été validé dans une population n’ayant jamais reçu de traitement antiostéoporotique.
L’étude FLEX a comparé dix ans de traitement par alendronate à cinq ans d’alendronate suivis de cinq ans de surveillance thérapeutique (2). Après 10 ans, le niveau de risque de fracture obtenu dans les deux bras était assez comparable. La seule différence significative retrouvée entre les deux groupes concernait le nombre de fractures vertébrales cliniques; Il n’existait pas de différence pour les fractures vertébrales détectées radiologiquement ou les fractures non vertébrales. Il y a cependant des limites à l’extrapolation des données de l’étude FLEX. Tout d’abord, ces résultats doivent être interprétés avec prudence compte tenu de la population initiale (sélection d’une population à risque fracturaire faible) et de la méthodologie : effectifs faibles en fin de suivi, période intermédiaire non contrôlée, mode de recueil des événements fracturaires. Elle peut cependant conforter la proposition d’interrompre après cinq années de prise d’un bisphosphonate chez une patiente à faible risque. L’arrêt thérapeutique peut être proposé pendant une durée de trois à cinq ans, tout en surveillant l’évolution du risque fracturaire lors de la période d’interruption.
Pas d’intérêt à une rotation thérapeutique.
Dans l’évaluation du rapport bénéfices/risques, la partie risque est désormais assez bien connue. La plupart des traitements antiostéoporotiques peuvent être prescrits pendant de longues périodes sans restriction, à l’exception du tériparatide (Forstéo) qui n’a l’AMM que pour une durée de 24 mois. On dispose actuellement d’un recul de sept à dix ans pour la plupart des bisphosphonates oraux, avec une bonne tolérance clinique et une absence de réaugmentation de l’incidence des fractures au-delà des premières années de traitement. À l’histologie, une légère augmentation des microfractures (ou microcracks) matricielles a été observée sous bisphophonates, mais dont l’impact clinique reste largement méconnu. Celle-ci se produit lors des premières années de traitement sans effet d’accumulation.
Par ailleurs, aucune donnée ne montre un intérêt clinique à effectuer une rotation des traitements, en dehors d’un changement d’objectif thérapeutique (par exemple, s’il existe une évolution du site du risque fracturaire). La réalisation de fenêtres thérapeutiques semble préférable à une rotation de traitement.
Dans le cas particulier du quatrième âge, les décisions restent guidées par l’objectif thérapeutique. Chez les femmes les plus jeunes, l’amélioration de la qualité de l’os et la réduction de sa fragilité sont la priorité. Après 80 ou 85 ans, il faut également tenir compte des autres facteurs de risque de fracture que sont les troubles sensoriels, cognitifs, la sarcopénie, les carences nutritionnelles ou les troubles de l’équilibre. La priorité devra alors être donnée à la prise en charge de ces facteurs de risque de chutes, qui aura le plus d’effet sur la diminution du risque de fracture, tout en évitant une polymédication. Là encore, il s’agit d’une expertise individuelle sans règle dogmatique prédéfinie.
D’après un entretien avec le Pr Thierry Thomas, chef du service de rhumatologie au CHU de Saint-Étienne.
(1) Traitement médicamenteux de l’ostéoporose post-ménopausique - recommandations (19 janvier 2006) : http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Recommandations-de-bonne-pratiq…
(2) Black DM, Schwartz AV, Ensrud KE, et al. Effects of continuing or stopping alendronate after 5 years of treatment. The fracture intervention trial long-term extension (FLEX): a randomised trial. JAMA 2006;296:2927-38.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024