PAR LE DrØJOHANN BEAUDREUIL*
ON ESTIME à 500 000 le nombre de patients atteints par la maladie de Dupuytren en France. Les données épidémiologiques les plus fiables indiquent une prévalence située entre 3,5 % et 11 % en Angleterre et au Danemark. L’Europe du Nord semble être le lieu des fréquences les plus élevées. Les facteurs de risque identifiés sont : le terrain familial, l’âge avançant, le sexe masculin, le diabète, la consommation de tabac et d’alcool. Les données concernant le rôle des activités manuelles de force n’autorisent pour l’instant pas de conclusion définitive. La distribution familiale de la maladie de Dupuytren répond à un modèle de transmission autosomique dominante à pénétrance variable. Des cas de transmission matrilinéaire, et passant donc par le génome mitochondrial, sont également décrits. Les formes familiales sont réputées, plus précoces, évolutives et sévères. L’idée d’un terrain prédisposant est confortée par l’association non fortuite de la maladie de Dupuytren à d’autres affections fibrosantes telles que les maladies des coussinets dorsaux des phalanges, de Ledderhose et de La Peyronie.
Éclairage pathogénique.
Le scénario anatomopathologique de la maladie de Dupuytren peut être reconstitué comme suit : prolifération cellulaire ; différenciation en myofibroblastes de fibroblastes aponévrotiques ou de cellules recrutées par le biais d’une hypervascularisation locale ; augmentation de la synthèse et de la production de protéines matricielles ; rétraction tissulaire ; déshabitation cellulaire et vasculaire. Les premières étapes correspondent à la formation de nodules dans l’aponévrose palmaire, les suivantes à celle des cordes aponévrotiques constituées principalement de collagène de type I et de type III. Les études génétiques et d’expression génique permettent d’évoquer plusieurs pistes pathogéniques : l’implication de la voie de signalisation Wnt ; celle du TGF bêta ; une mutation du génome mitochondrial codant pour l’ARNr 16s ; un déséquilibre de couples métalloprotéase - inhibiteur. Le mécanisme moléculaire univoque conduisant à la fibrose rétractile de l’aponévrose palmaire reste toutefois à établir.
Évaluation clinique.
Le flexum des doigts est la principale déficience associée à la maladie de Dupuytren. Il intéresse avant tout les articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales des quatrième et cinquième rayons. Les premier, deuxième et troisième doigts peuvent néanmoins être touchés. Le flexum interphalangien distal est quant à lui rare. L’évaluation de la maladie de Dupuytren s’est essentiellement faite sur la base de critères morphologiques : quantification du flexum ou du défaut d’extension d’une articulation ; intégration des déformations d’un rayon ou d’une main au moyen d’un score dont le plus connu est celui de Tubiana. Si l’on considère les recommandations en vigueur et récurrentes pour l’évaluation des affections rhumatologiques, il s’agit là d’un anachronisme saisissant. Ces recommandations donnent en effet une place essentielle à l’incapacité générée par la maladie. L’obstacle persistant à l’évaluation de l’incapacité au cours de la maladie de Dupuytren tenait à l’absence d’outil de mesure spécifique. Cet obstacle est désormais levé depuis la mise à disposition récente d’un questionnaire d’incapacité, l’échelle URAM, développé et validé dans l’indication spécifique de la maladie de Dupuytren. Il s’agit d’un questionnaire composé de neuf items, permettant de coter les difficultés fonctionnelles de 0 à 45, en moins d’une minute, et donc propice à un usage en recherche clinique comme au quotidien.
Un traitement symptomatique.
Le traitement de la maladie de Dupuytren en 2012 reste symptomatique, c’est-à-dire qu’il n’évite pas la récidive. Il n’en connaît pas moins un certain nombre d’avancées conséquentes. Le traitement percutané s’est progressivement positionné en proposition de première intention. L’aponévrotomie percutanée à l’aiguille apparaît comme la modalité la plus simple, la mieux tolérée et la moins coûteuse. Elle offre également la possibilité de traitements itératifs, fort appréciable au cours d’une affection chronique potentiellement récidivante. Son accessibilité reste toutefois limitée par une faible diffusion au regard de la demande. L’aponévrotomie percutanée à l’aiguille est une technique ambulatoire, ne requérant en règle aucune immobilisation ni aucun soin postthérapeutique. Elle consiste à sectionner sous anesthésie locale non tronculaire la corde aponévrotique fléchissante avec le biseau d’une aiguille de 25 G verrouillée sur une seringue de 5 ml contenant une solution de prednisolone et de lidocaïne. L’aponévrotomie à l’aiguille a fait montre d’une efficacité en termes morphologiques et fonctionnels dans les formes simples palmaires ou digitales ainsi que dans les formes sévères de maladie de Dupuytren. Le taux de récidive à 5 ans est estimé à 50 %. L’aponévrolyse par une collagénase d’origine bactérienne est également proposée sur la base d’un effet morphologique démontré à cours terme dans des formes relativement peu évoluées. La collagénase n’est pour l’instant pas disponible en France. Dans ce contexte, la chirurgie, dont l’acte de référence est l’aponévrectomie, apparaît de plus en plus comme une proposition thérapeutique de seconde intention, concernant les patients qui ne sont pas suffisamment améliorés par le traitement percutané, voire qui ne peuvent y avoir accès.
*Unité rhumatologique des affections de la main (URAM), service de rhumatologie, pôle locomoteur, groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière – Fernand Widal, AP-HP, université Paris 7, Paris.
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