Comment favoriser une plus grande utilisation des biosimilaires en rhumatologie ? « Plusieurs pistes sont aujourd’hui à l’étude, notamment via une incitation financière des médecins, un peu comme pour les génériques avec les pharmaciens, indique le Pr Maxime Dougados, consultant à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et chargé d’une mission sur le sujet. Aujourd’hui, on constate un taux de pénétration relativement satisfaisant pour certaines molécules comme le rituximab ou l’infliximab, mais c’est un peu moins avancé pour les biothérapies en sous-cutanée telles que l’adalimumab ou l’etanercept ».
Depuis quelques années, les rhumatologues ont appris à mieux connaitre les biosimilaires. Selon l’Agence du médicament, ce sont des produits similaires à un médicament biologique de référence (molécule originale ou parentale), autorisé en Europe depuis plus de huit ans et dont le brevet est tombé dans le domaine public. « Les autorités sanitaires n’autorisent que les biosimilaires ayant montré une efficacité similaire à la molécule parentale dans au moins une indication. Et ils doivent avoir exactement la même tolérance », précise le Pr Dougados.
Le poids des habitudes
En France, les pharmaciens n’ont pas le droit de faire de substitution entre une molécule originale et un biosimilaire, contrairement aux génériques. « Seuls les médecins peuvent procéder à cette substitution », indique Maxime Dougados. Mais selon les médicaments, cette substitution reste à des niveaux très variables. « On peut d’abord parler du rituximab, dont le nom commercial est Mabthera. À l’hôpital, les médecins ont très peu l’habitude d’utiliser le nom commercial et prescrivent en DCI le rituximab. Cela a sans doute favorisé la pénétration de ses biosimilaires qui atteint aujourd’hui 99 % dans les services de l’AP-HP, souligne le consultant. Pour l’infliximab (Remicade), c’est l’inverse ! Les médecins ont l’habitude d’utiliser le Remicade dans leurs prescriptions et quand les biosimilaires sont arrivés, il a fallu un certain temps d’adaptation. Mais il y a des services, comme ceux de Cochin ou de Bordeaux, qui ont eu une attitude volontariste et ont convaincu les autres de l’intérêt des biosimilaires ».
C’est encore un peu plus compliqué pour les biothérapies sous-cutanées délivrées en consultation externe. « On a des biosimilaires pour deux molécules : l’adalimumab (Humira) et l’etanercept (Enbrel). La substitution se heurte à deux types de problèmes. Le premier est lié à la durée de la consultation. Les biosimilaires sont proposés uniquement aux patients qui vont bien et tolèrent bien la molécule parentale, pour lesquels la consultation ne dure en général que dix minutes. Or, si vous proposez à un patient de changer son traitement pour un biosimilaire, il faut bien ajouter au moins dix autres minutes. Le second frein est lié à l’effet nocebo, aujourd’hui bien connu. Quand un patient est informé du changement de son médicament, dans 20 % à 25 % des cas, il va appeler pour dire qu’il tolère moins bien son traitement ou faire état d’une moindre efficacité, souligne le Pr Dougados. Face à ces deux freins, certains médecins baissent les bras ».
Une incitation financière inégale
Face à cette situation, les tutelles ont choisi de miser sur une incitation financière. « Mais à l’hôpital, l’argent ne revient pas directement aux médecins prescripteurs mais à l’établissement. En effet, lorsqu’un médecin délivre un biosimilaire, l’hôpital reçoit 20 % de la différence entre le prix du médicament parental et le celui du biosimilaire. En principe, l’argent devrait revenir au service clinique prescripteur mais cela n’est pas encore le cas partout, note Maxime Dougados. Dans le cadre d’une expérimentation, le gain pour la prescription d’un biosimilaire a été porté à 30 %. Mais tous les établissements n’y participent pas. C’est la raison pour laquelle, dans les chiffres, on fait la distinction entre les établissements incités et non incités ».
Un taux d’utilisation contrasté
En décembre 2019, au sein de l’AP-HP, dans le cas d’un patient naïf d’etanercept, le taux de pénétration (utilisation d’un biosimilaire d’etanercept de première intention) était de 70 % dans les établissements incités contre 54 % dans les non incités. « Pour les patients sous etanercept, pour lesquels il fallait échanger, le taux de pénétration était de 40 % contre 30 %. Avec l’adalimumab, chez les patients naïfs, le taux de pénétration était de 57 % contre 44 % et pour les autres, de 24 % contre 18 %, détaille le consultant. Au sein de l’AP-HP, les rhumatologues utilisent davantage les biosimilaires de l’adalimumab, que les gastroentérologues. Au troisième trimestre 2020, le taux de pénétration était de 41 % chez les rhumatologues contre 30 % chez les gastroentérologues ».
À l’avenir, plusieurs pistes sont à l’étude. « La première, à la fin de l’expérimentation en septembre 2021, serait de passer tous les établissements à l’incitation. Une autre solution serait d’inciter financièrement les médecins de ville à faire l’échange d’une prescription initiée à l’hôpital ».
D’après un entretien avec le Pr Maxime Dougados, consultant à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)
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