« Les patients souffrant de maladie auto-immune inflammatoire - au moins 2 % de la population en Europe - ont un surrisque bien documenté d'infarctus, surtout précoces, et de décès cardiaques. Et leur surcroît de facteurs de risque cardiovasculaire ne suffit pas à l’expliquer totalement. C'est très probablement lié à l'inflammation systémique associée », rappellent les auteurs de l'étude. Ainsi, depuis 2019, les recommandations ACC/AHA prônent une prise en compte de ce facteur de risque « maladie inflammatoire » dans l'évaluation du risque cardiovasculaire global en prévention primaire. Une prescription de statine est ainsi envisagée chez les sujets se retrouvant dans la tranche de risque intermédiaire.
2 100 cas d’IDM précoce analysés
L’étude rétrospective de cohorte, menée sur le registre YOUNG-MI, recense tous les IDM survenus chez des patients de moins de 50 ans entre 2000 et 2016, hospitalisés dans deux grands hôpitaux de Boston (Massachusetts General Hospital et Brigham and Women’s Hospital). L’analyse n’a retenu que les cas d’IDM de type 1, spontanés et sans maladie coronarienne préalable identifiée, soit près de 2 100 sujets d'âge médian 45 ans (dont 20 % de femmes).
Une surmortalité à 11 ans en cas de maladie auto-immune
Parmi les patients analysés, 2,5 % ont une affection inflammatoire auto-immune dont 64 % de psoriasis, 23 % de lupus, 9 % d'arthrite rhumatoïde et 4 % d'autres affections. Par comparaison, il y a plus de femmes (36 % vs 19 %) et d'hypertension artérielle (62 % vs 46 %) que dans le reste de la cohorte mais pas plus de diabète, de tabagisme, de dyslipidémie ou d'antécédents familiaux d'IDM précoce. Par ailleurs, les IDM ST+ sont moins fréquents lors de maladie auto-immune (40 % vs 54 % dans l’ensemble de la cohorte). Enfin, bien que les patients avec maladie auto-immune aient été tout autant revascularisés, ils ont moins souvent été mis sous aspirine (88 % vs 95 %) ou statine (76 % vs 89 %).
À 11 ans de suivi médian, la mortalité est de 21 % lors de maladie auto-immune versus 12 % dans le reste de la cohorte (RR = 1,95 [1,1-3,6], p = 0,003). Cette différence reste significative même après ajustements sur la clairance rénale et la durée d'hospitalisation (RR = 1,86, [1,1-3,4]; p = 0,04). Même après ajustement sur l'âge, le sexe et les principaux facteurs de risque des 53 cas (avec 138 contrôles appariés), cette différence persiste : 21 % vs 9 % de décès (p = 0,03).
« Primo les patients ayant fait un IDM précoce sont assez nombreux à avoir une maladie auto-immune inflammatoire (2,5 %). Secundo, comparativement à ceux exempts de maladie auto-immune inflammatoire, leur pronostic est très dégradé. À 11 ans de recul, même après ajustements, leur mortalité totale est plus que doublée », résument les auteurs. Enfin, ils ont moins souvent bénéficié d'une prévention secondaire par aspirine ou statine.
Un mécanisme confus
Le profil lipidique (cholestérol total, LDL-c, triglycérides) et les taux de troponine des patients ne sont pas plus élevés. Leur clairance rénale n’est pas plus basse. Alors, pourquoi ces patients souffrent-ils d'une telle surmortalité totale à 11 ans ? La question reste entière. On peut toutefois faire l'hypothèse qu'inflammation et dysrégulation de la réponse immunitaire dégradent la cicatrisation. Quoi qu'il en soit, « ce résultat doit nous inciter à mieux prendre en compte à l'avenir la présence d'une maladie inflammatoire auto-immune dans le score de risque cardiovasculaire. Voire à mettre en œuvre des traitements plus agressifs en prévention primaire chez les sujets jeunes », concluent les auteurs.
(1) B Weber et al. Association of inflammatory disease and long-term outcomes among young adults with myocardial infarction: the Mass General Brigham YOUNG-MI Registry. Europ J Prev Cardiol 2021; zwaa154. doi.org/10.1093/eurjpc/zwaa154
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