LA LITTÉRATURE est relativement pauvre sur la consolidation fracturaire d’un os ostéoporotique. Les données chez l’animal indiquent que le délai de consolidation est plus long mais les rares essais cliniques et les études de cohorte ne montrent pas clairement que l’ostéoporose complique la consolidation. L’ostéoporose accélère le turn-over osseux d’où une diminution de la minéralisation et surtout une perturbation de l’architecture trabéculaire avec raréfaction et amincissement des travées osseuses, diminution des interconnexions, entraînant une fragilité osseuse. La plupart des fractures ostéoporotiques surviennent chez des sujets âgés, et il s’avère difficile de distinguer entre ce qui revient à l’ostéoporose et ce qui est lié au vieillissement. Les cellules souches mésenchymateuses indifférenciées sont un des éléments clé de la cascade biologique post-fracturaire puisqu’elles se transforment alors en ostéoblastes sous l’influence de divers stimuli. Or plus le sujet est âgé, moins ces cellules sont nombreuses et le terrain défavorable à la différenciation cellulaire et à la réparation tissulaire. Ce qui, du point de vue chirurgical impose certaines contraintes : ainsi dans les fractures du col du fémur, qui en elles-mêmes sont à haut risque de non-consolidation, on évitera l’ostéosynthèse chez les personnes les plus âgées et on préférera proposer d’emblée la prothèse. Vu les difficultés de l’ostéosynthèse sur un os de mauvaise qualité, on tend actuellement à adopter la même attitude pour l’épaule, le coude, plus rarement le genou et à privilégier la prothèse pour ces articulations afin de permettre la mobilisation ou la rééducation précoce.
« Quoi qu’il en soit, s’il se consolide après la fracture, l’os reste fragile et de mauvaise qualité, et l’une des préoccupations après une fracture ostéoporotique est de prévenir la survenue d’autres fractures », rappelle le Pr Feron. Il est important d’évaluer si l’instauration d’un traitement antiostéoporotique modifiant le remodelage osseux peut interférer sur le processus de consolidation.
Traitements antiostéoporotiques : un effet neutre ou bénéfique sur la consolidation osseuse.
Les traitements antiostéoporotiques sont de deux types, soit anti-résorptifs comme les bisphosphonates et les anti-RANKL (denosumab), soit anaboliques comme la PTH et le ranélate de strontium. Ils interviennent sur le remodelage osseux, qui ne constitue que la partie finale de la consolidation osseuse, après la phase initiale inflammatoire, l’élaboration d’un cal mou puis la phase de réparation avec la formation du cal dur par ossification de la matrice cartilagineuse
On pouvait craindre que les agents anticataboliques, en inhibant les ostéoclastes impliqués dans la phase initiale de la cascade osseuse post-fracturaire, puissent compromettre la consolidation. Les études animales montrent qu’ils n’altèrent pas le cal osseux de la période initiale de réparation mais tendent à retarder le remodelage. Néanmoins dans les cohortes de patients traités par biphosphonates et victimes de fractures, on ne constate pas plus de risque de troubles de la consolidation par rapport aux groupes placebo.
Les agents à visée anaboliques semblent a priori favorables sur la consolidation. Les données expérimentales confirment l’effet bénéfique sur la consolidation et la qualité osseuse que ce soit pour la PTH anabolisante ou le ranélate de strontium, molécule à potentiel à la fois antirésorbtif et anabolique. Chez l’homme, les premiers résultats sont encourageants, avec des études de cas montrant la consolidation de certaines fractures complexes, lors de retard de consolidation ou de pseudarthrose après instauration chez ces patients d`un traitement par ranélate de strontium (Protelos) ou PTH 1-34 (tériparatide). Les deux seules études randomisées ont été réalisées avec la PTH. L’une montre une accéléreration de la consolidation des fractures du poignet non opérées (1), l’autre réalisée dans les fractures du cadre obturateur, fréquentes et invalidantes chez le vieillard, montre une consolidation radiologique plus rapide et une récupération fonctionnelle plus précoce par diminution des douleurs à l’EVA et amélioration de l’autonomie évaluée par le Timed up and go test.
« Globalement, les biphosphonates, dont l’action est lente, n’impactent pas la consolidation ; il n’y a donc aucune raison d’attendre pour instaurer un traitement afin d’éviter d’autres fractures », insiste le Pr Jean-Marc Feron, « Quant aux anabolisants, ils agissent suffisamment précocement pour espérer une inversion du métabolisme osseux plutôt favorable à la consolidation, ce qui pourrait nous amener, si les études le confirment, à envisager leur prescription dans certaines fractures compliquées ».
Dans l’ostéoporose, la recherche porte actuellement sur d’autres molécules comme les anticorps anti-sclérostine ou anti-DKK1, intervenant dans la voie de régulation Wynt- catenine Les données précliniques suggèrent qu’elles auraient un effet très positif sur la consolidation, mais il n’existe pas à ce stade de résultats d’études cliniques dans le traitement des fractures.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Marc FERON, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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