Les inhibiteurs de JAK (JAKi) sont une alternative thérapeutique récente pour traiter les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques en rhumatologie. Cependant, des évènements cardiovasculaires graves ont été rapportés dans différentes études cliniques évaluant cette classe thérapeutique. La réévaluation des données de sécurité des anti-JAK, par le comité de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA), est ainsi régulièrement mise à jour.
Parmi les études françaises les plus récentes, celle menée sous la coordination du Pr Marie-Élise Truchetet confirme un surrisque d’évènements cardiovasculaires majeurs ou de thromboembolie veineuse (1). Une série de cas autocontrôlés a été réalisée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) . « Nous avons inclus tous les patients traités par inhibiteurs de JAK (baricitinib ou tofacitinib) et ayant présenté au moins un évènement thromboembolique veineux ou cardiovasculaire grave entre le 1er novembre 2017 et le 30 juin 2019 », explique la Pr Truchetet. Parmi les 5 870 patients ayant reçu un JAKi (en traitement de polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique ou maladie inflammatoire de l’intestin), 92 ont eu un incident thromboembolique veineux ou artériel au cours de la période d’étude. Leur âge médian à l’initiation du traitement était de 65,7 ans [56,1-75,8] et 65,2 % étaient des femmes (n = 60). Avant l’incidence de l’évènement, 65,2 % (n = 60) recevaient du baricitinib, 32,6 % (n = 30) du tofacitinib et 2,2 % (n = 2) les deux médicaments. Parmi ces patients avec incident, 41,3 % (n = 38) ont présenté un évènement thromboembolique veineux et 58,7 % (n = 54) un évènement cardiovasculaire majeur.
Un risque accru lors des premiers mois de traitement
Le délai médian d’apparition après l’initiation du JAKi était de 4,6 mois [2,5-9,2] pour les évènements veineux et de 6,1 mois [3,0-8,5] pour les évènements cardiovasculaires.
L’exposition aux JAKi était associée à une augmentation de 8,27 (IC 95 % : 3,41-20,04) de l’incidence des évènements thromboemboliques veineux, qui est restée 6,52 fois plus élevée au cours des 30 jours suivant l'arrêt du traitement [2,02-21,11]. De même, l’incidence des évènements cardiovasculaires a été multipliée par 9,27 (3,68-23,34) pendant les périodes d’administration des JAKi, avec une augmentation également persistante pendant les 30 jours suivant l’arrêt du traitement. Par la suite, le risque est revenu à l’incidence initiale et ne persiste pas après un mois d’arrêt des JAKi. « Le risque d’évènements thromboemboliques est particulièrement élevé au cours des premiers mois de traitement, souligne le Pr Truchetet. Nos résultats sont cohérents avec les études antérieures, notamment l’étude ORAL Une surveillance, à la demande de la Food and Drug Administration (FDA) a mis en évidence une possible augmentation du risque thromboembolique veineux, d’accidents cardiovasculaires et de cancers sous tofacitinib ».
« Cependant, une autre étude française, menée elle aussi à partir du SNDS mais durant une période postérieure (avec des rhumatologues avertis des risques) et une méthodologie différente, conduit à des résultats opposés » (2), constate la Pr Truchetet. Il n’y avait pas de surrisque d’évènements cardiovasculaires graves et thromboemboliques chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités par anti-JAK, par rapport à un anti-TNF. Il apparaît donc nécessaire de poursuivre les études.
Et en pratique ?
Le Comité de pharmacovigilance (PRAC) de l’EMA a émis en novembre dernier des recommandations. Les JAKi ne doivent être utilisés qu’en l’absence d’alternative appropriée chez certains patients : plus de 65 ans, avec des facteurs de risque (FDR) d’évènements cardiovasculaires majeurs, des FDR de cancer, et présentant un tabagisme (présent ou passé). Ils sont à utiliser avec prudence chez les patients ayant des FDR de thromboembolie veineuse. « Nous avons constitué un groupe de travail, soutenu par la Société française de rhumatologie, et espérons mettre à disposition prochainement un algorithme décisionnel pour faciliter la prescription des JAKi. Par ailleurs, ces molécules ont des bénéfices démontrés et il serait dommage de s’en priver. Il faut apprendre à les prescrire dans de bonnes conditions, peser la balance bénéfice/risque, comme nous l’avons fait par le passé avec les anti-TNF par exemple », conclut la Pr Truchetet.
(1) Gouverneur A et al. JAK inhibitors and risk of major cardiovascular events or venous thromboembolism : a self – controlled case series study. Eur J. Pharmacol 2022 Dec 78(12);1981-90.
(2) Hoisnard L et al. Risk of major adverse cardiovascular and venous thromboembolism events in patients with rheumatoid arthritis exposed to JAK-inhibitors versus adalimumab : a nationwide cohort study Annal of the Rheumatic Diseases oct 2022.
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