LE PREMIER problème des bisphosphonates, celui qui a été le plus médiatisé est le risque d’ostéonécrose de la mâchoire : il inquiète notamment les chirurgiens dentistes et les stomatologues
Ostéonécrose : un risque très faible au cours du traitement de l’ostéoporose
« L’ostéonécrose est une complication rare mais sérieuse des traitements par bisphosphonates. Il est très important de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un problème dentaire habituel (carie, abcès, kyste, parodontie, etc.) mais d’une mise à nu de la surface osseuse, persistant plus de 6 à 8 semaines. Au cours du traitement de l’ostéoporose (bisphosphonates à faible dose) les études les plus sérieuses montrent une incidence comprise entre 1 et 3 cas pour 100 000 patients années. Au cours du cancer et du myélome (doses 10 fois supérieures), les chiffres tournent autour de 1 à 3 cas pour 1 000 patients années » souligne le Pr Legrand.
Par ailleurs, le risque est lié à la durée prolongée du traitement, à l’existence de comorbidités et à l’association à d’autres traitements (chimiothérapie, corticothérapie).
Les patiens doivent-ils voir leur dentiste avant de débuter un traitement par bisphosphonates ? "Il faut examinerla cavité buccale, répond le Pr Legrand. Si l’état dentaire est jugé mauvais, si aucun dentiste n’a été consulté depuis plus d’un an, il est utile de proposer une consultation dentaire, en différant le traitement par les bisphosphonates de 2 mois. Il est tout particulièrement recommandé de faire les extractions dentaires requises, au préalable ».
Faut-il interrompre le traitement lorsqu’il est pris depuis moins de trois ans alors qu’une extraction dentaire est nécessaire ? « La réponse est non, car le risque est très faible et cela n’a aucun sens : le bisphosphonate s’accumule dans les travées osseuses et reste dans le squelette pendant des années ». Et s’il est pris depuis déjà 5 ou 6 ans ? « C’est l’occasion de se poser la question sur la nécessité de poursuivre le traitement de l’ostéoporose : chez les patients dont l’évolution est très favorable (absence de nouvelles fractures et densité osseuse stable) après la première séquence thérapeutique de 5 ans, le bisphophonate peut être suspendu pendant 2 ans, en poursuivant les autres thérapeutiques (vitamine D, apports calciques, activité physique) et en organisant une nouvelle évaluation. »
Enfin, le traitement par bisphosphonate est-il compatible avec la pose d’un implant ? Dans la littérature internationale, 57 cas d’ostéonécrose ont été publiés après pose d’implants. Pour la plupart d’entre eux, ces problèmes sont survenus pour des patients traités à forte dose dans le cadre d’un cancer osseux. « Nous suggérons donc de ne pas poser d’implant dentaire dans ce contexte », explique le Pr Legrand. Dans les autres cas (traitement à doses plus faible pour l’ostéoporose), le risque associé à la pose d’un implant semble faible.
Autres effets secondaires des traitements de l’ostéoporose.
•Certaines publications font état de fractures atypiques, fractures sous trochantériennes et diaphysaires spontanées avec des critères radiographiques précis, survenant après plusieurs années de traitement par les bisphosphonates. Leur fréquence est très controversée, mais reste très faible (entre 1 pour 1000 et 1 pour 100 000 patients). Le risque de fracture par ostéoporose est finalement bien plus élevé ! « Le bénéfice lié au traitement par les bisphosphonates n’est donc pas remis en cause par ces fractures atypiques, d’une part parce qu’elles sont très rares, mais aussi parce qu’elles ne sont pas toutes liées à la prise de ce traitement », souligne le Pr Legrand. Enfin, comme ces fractures surviennent après un traitement très prolongé par les bisphosphonates, le conseil reste le même : après une séquence de traitement initial de 5 ans, il est impératif de vérifier s’il y a lieu ou non de poursuivre le traitement.
• Concernant le risque de trouble du rythme cardiaque sous zolédronate injectable, les données de la littérature sont contradictoires. Par mesure de précaution, on peut proposer un bisphosphonate par voie orale chez les patients souffrant d’une fibrillation auriculaire (FA) intermittente.
• Le syndrome pseudo-grippal après zoledronate IV, "c’est l’effet secondaire le plus souvent rencontré (environ 5 à 15 % des patients concernés). Il dure 24 à 72 heures. Il est surtout présent lors de la première perfusion. Il faut avertir systématiquement le patient et s’assurer qu’il est bien hydraté » remarque le Pr Legrand.
• Des insuffisances rénales aiguës ont été décrites après perfusion de zolédronate (24 cas rapportés en 2010 par la FDA). Ce risque reste faible (1 pour 10000 à 1 pour 100 000 patients) et touche principalement des personnes âgées recevant à la fois un IEC et un diurétique, avec une mauvaise fonction rénale. « On ne prescrit donc pas de zolédronate si la clairance est inférieure à 35 ml/mn ou si le patient est déshydraté. Enfin, ce médicament ne doit jamais être injecté en IV directe, mais via une perfusion durant au moins 15 à 20 minutes » insiste le Pr Legrand.
Les autres médicaments de l’ostéoporose.
• Le raloxifène est un SERM (Selective Œstrogen receptor modulator) qui réduit le risque de fracture vertébrale (-30 à -50 %) et celui de cancer du sein (-50 %). Il est prescrit dans la tranche d’âge 50/70 ans mais pas au-delà, car il ne réduit pas le risque de fracture du fémur. Comme avec le tamoxifène (et les estrogènes), il existe un risque accru d’accidents thromboemboliques, avec un risque relatif de 3 (l’étude More portant sur 7 700 patientes randomisées, fait état de 0,3% d’événements thromboemboliques sous placebo contre 1 % sous raloxifène). Des facteurs de risque comme une immobilisation ou une maladie de la coagulation étaient souvent retrouvés. Il faut donc s’abstenir de prescrire ce traitement aux femmes ayant un antécédent de phlébite profonde ou d’embolie pulmonaire, et le suspendre le temps de l’alitement ou d’un voyage prolongé en avion.
• La sécurité d’emploi du ranélate de strontium a fait l’objet de questions depuis 3 ans. Les études qui ont permis au médicament d’obtenir son AMM ont montré que les événements thromboemboliques étaient plus fréquents : 9,2 pour 1000 sous ranélate versus 6 pour 1000 sous placebo, soit un risque relatif de 1,4. On ne prescrit donc pas ce traitement chez les patients avec des ATCD thromboemboliques ou un âge supérieur à 80 ans. La survenue d’un Dress Syndrome est exceptionnelle : « un pour 50 000 patients/années mais il s’agit d’un risque imprévisible, avec 10 % de décès. Le patient doit donc être informé qu’en cas d’éruption cutanée, il lui faut arrêter ce traitement et consulter son médecin. Pour toutes ces raisons, ce traitement n’est pas à prescrire en première intention ».
• Le tériparatide (fragment actif de la parathormone humaine) est utilisé uniquement chez des patients avec une ostéoporose sévère (au moins deux fractures vertébrales), pour une durée de 18 mois avant de poursuivre avec un bisphosphonate. Ce traitement stimule fortement la formation osseuse. « Des doutes ont été émis sur un risque d’ostéosarcome, des tumeurs ayant été observées, lors de l’expérimentation animale, dans une lignée de rats particulière, avec une haute dose et pour une durée très prolongée. Aucun excès d’ostéosarcome n’a été retrouvé chez le million de malades traités dans le monde. Finalement, ce traitement est bien toléré, hormis quelques effets secondaires transitoires au démarrage du traitement (crampes des membres inférieurs, sensation de bouffées de chaleur, céphalées) et une hypercalcémie, le plus souvent modérée, pour 1 % de patients. Une surveillance du bilan phosphocalcique est préconisée après 2-3 mois et 5-6 mois de traitement » conclut le Pr Legrand.
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