Élargir la palette des médicaments de l’ostéoporose est une nécessité. Si obtenir un nouvel agent anabolique (le tériparatide étant toujours le seul en France) est une priorité, le développement d’agents anti-ostéoclastiques est aussi utile.
L’odanacatib est un inhibiteur fonctionnel de la cathepsine K, une enzyme protéolytique indispensable à la fonction de résorption des ostéoclastes. Cette famille d’inhibiteurs, les «catibs» dont fait partie l’odanacatib, représentait donc un espoir légitime pour le traitement d’états pathologiques osseux associés à une hyperrésorption, dont l’ostéoporose.
Les premières étapes du développement de l’odanacatib étaient encourageantes. Les données précliniques et cliniques de phases 1 et 2 confirmaient le mécanisme d’action (diminution des marqueurs du remodelage) et constataient une augmentation de la densité minérale osseuse (DMO) au rachis lombaire comme à la hanche (1,2). Comme avec le dénosumab, l’arrêt du médicament était suivi d’une augmentation rapide de la résorption osseuse, avec rebond au-dessus des valeurs normales (2). Sur la base de ces données préliminaires, un grand essai de phase 3 a été monté, avec pour objectif d’évaluer l’efficacité sur les fractures et la tolérance de l’odanacatib (3).
Des résultats d’efficacité prometteurs
Les données finales de l’essai « LOFT » (Long-term Odanacatib Fracture Trial) viennent d’être publiées dans Lancet Diabetes Endocrinology (4). Cette étude multicentrique, randomisée, en double aveugle, contrôlée contre placebo, a inclus plus de 16 000 femmes ménopausées âgées d'au moins 65 ans (en moyenne 72,8 ans) avec un T-score de DMO du col fémoral ou de la hanche (en moyenne -2,7 et -2,3) entre -2,5 et -4,0 si elles n’avaient aucune fracture vertébrale radiographique (54 % d’entre elles) ou entre -1,5 et -4,0 si elles avaient une fracture vertébrale prévalente. Le traitement actif consistait en une prise orale par semaine de 50 mg d'odanacatib. La durée de l’essai était planifiée pour une durée maximale de 5 ans mais il avait été prévu de l’interrompre lorsque le nombre cible de 237 fractures de hanche serait atteint. Une cohorte avec un suivi ouvert, « LOFT-Extension », était prévue pour les patientes n’ayant pas atteint les 5 ans de suivi dans LOFT.
Dans la cohorte initiale LOFT, 8 043 femmes ont reçu l'odanacatib et 8 028 le placebo, avec un suivi médian de 36,5 mois. Par la suite, 8 257 femmes ont participé à la cohorte LOFT-Extension.
Dans LOFT, l'incidence cumulée des fractures était significativement diminuée dans le groupe odanacatib par rapport au placebo. Pour les fractures vertébrales radiographiques, l’incidence était de 3,7 % contre 7,8 %, rapport de risque (HR) de 0,46 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 0,40-0,53) ; pour les fractures de la hanche HR 0,53 (IC 95 % 0,39-0,71) ; pour les fractures non vertébrales HR 0,77 (IC 95 % 0,68-0,87). Les résultats combinés des études LOFT et LOFT Extension confirmaient ces données.
Un surrisque cardiovasculaire
Les problèmes sont venus de l’analyse de tolérance. Dans LOFT, le critère d'évaluation cardiovasculaire composite (mort cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC) n’était pas significativement supérieur dans le groupe odanacatib par comparaison au groupe placebo : HR 1,12 (IC 95 % 0,95–1,34). Par contre, l'odanacatib était associé à un risque accru d'AVC (HR 1,32, 1,02-1,70) dans la cohorte LOFT. En prenant en compte l'extension, le critère cardiovasculaire composite était significativement plus élevé dans le groupe odanacatib que dans le groupe placebo (HR 1,17 [IC 95 % 1,02–1,36]), de même que le risque d’AVC (HR 1,37 [1,10–1,71]). Une tendance était aussi observée pour les nouveaux épisodes ou récidives de fibrillation ou de flutter auriculaire (HR 1,22 [IC 95 % 0,99–1,50]).
Ces constatations d’un risque cardiovasculaire accru avec l’odanacatib, faisant pencher négativement la balance globale bénéfice/risque, ont conduit à l'arrêt du développement de l'odanacatib pour le traitement de l'ostéoporose. Il reste nécessaire de comprendre la relation entre l'inhibition de la cathepsine K et ce risque cardiovasculaire, afin de permettre le développement futur de nouveaux composés conservant les effets bénéfiques sur la réduction du risque de fracture mais sans risque cardiovasculaire accru.
Terminer le développement d’une molécule dans une revue aussi prestigieuse que le Lancet ne consolera en rien les promoteurs… mais constitue bien un enterrement de « première classe » !
(1) Lewiecki EM. Odanacatib, a cathepsin K inhibitor for the treatment of osteoporosis and other skeletal disorders associated with excessive bone remodeling. IDrugs 2009;12:799-809.
(2) Eisman JA, Bone HG, Hosking DJ et al. Odanacatib in the treatment of postmenopausal women with low bone mineral density: three-year continued therapy and resolution of effect. J Bone Miner Res 2011;26:242-51.
(3) Bone HG, Dempster DW, Eisman JA et al. Odanacatib for the treatment of postmenopausal osteoporosis: development history and design and participant characteristics of LOFT, the Long-Term Odanacatib Fracture Trial. Osteoporos Int 2015;26:699-712.
(4) McClung MR, O'Donoghue ML, Papapoulos SE et al. Odanacatib for the treatment of postmenopausal osteoporosis: results of the LOFT multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled trial and LOFT Extension study. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:899-911.
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