Au cours des 10 000 années écoulées, les Européens sont devenus plus résistants aux maladies infectieuses et plus perméables aux maladies inflammatoires. Les chercheurs de l'Institut Pasteur, du CNRS de l’Université Paris Cité et du Collège de France viennent de retracer dix millénaires d'histoire de l'immunité, en s'appuyant sur la paléogénétique, récompensée par le dernier prix Nobel de physiologie et de médecine.
Selon leur dernière publication dans la revue « Cell Genomics », les chercheurs ont analysé la variabilité des génomes de 2 800 individus ayant vécu en Europe depuis l'âge de bronze. Selon leurs travaux, les mutations responsables de l'efficacité du système immunitaire dans la lutte contre les pathogènes datent d'il y a 4 500 ans avant de se répandre rapidement en Europe.
Les 2 800 génomes inclus dans l'étude proviennent d'Homo sapiens sapiens ayant vécu en Europe au cours du néolithique, à l'âge de bronze, à l'âge de fer, au Moyen-Âge ou lors de périodes plus récentes voire contemporaines.
Ce panel représentatif de l'histoire évolutive européenne leur a permis d'identifier des mutations localisées sur 89 gènes impliqués dans la réponse immunitaire innée. Il s'agit notamment les gènes OAS, agissant sur les fonctions antivirales et le gène responsable du système des groupes sanguins ABO.
Les auteurs ont été surpris par l'accélération de la fréquence d'apparition de ces mutations à partir de l'âge de bronze. Cela s'expliquerait par un changement des modes de vie : c'est à cette époque que la population humaine s'accroît et se rassemble dans des centres urbains, tandis que les échanges entre communautés augmentent et que des troupeaux avec des risques de zoonose font leur apparition. Cette « nouvelle donne » a favorisé la propagation de nouvelles maladies infectieuses sévères comme la peste.
Les maladies inflammatoires de plus en plus présentes
Toutes les mutations des gènes associés à la réponse immunitaire innée n'ont pas un effet positif. Selon les travaux des chercheurs, c'est aussi à cette période-là qu'apparaissent des mutations favorisant les maladies inflammatoires. Elles aussi se sont répandues dans la population à grande vitesse. Ces mutations aux effets péjoratifs sont localisées dans des gènes tels que TYK2, LPB, TLR3 ou IL23R.
L'hypothèse favorisée par les chercheurs est que l'apparition d'allèles de résistance aux maladies infectieuses a, dans un deuxième temps, augmenté le risque de maladies auto-immunes ou inflammatoires. Les auteurs évoquent ainsi la pléiotropie antagoniste. Cette théorie veut que certaines mutations ne s'expriment qu'après l'âge de procréer. Comme dans le même temps, ces mutations sont associées à d'autres qui favorisent la résistance aux maladies infectieuses, elles ont pu être largement répandues.
Les mutations identifiées par les auteurs ont un effet sur les fonctions régulatrices de réponse immunitaire, ce qui a la double conséquence d'améliorer la réponse aux maladies infectieuses mais d'augmenter la susceptibilité aux maladies inflammatoires. Les scientifiques rapportent une expansion des lignées leucocytaires, à l'exception des éosinophiles, qui ont vu leur proportion décroître progressivement au profit des neutrophiles. Dans le même temps, d'autres types de cellules sanguines, tels que les globules rouges, ont vu leur nombre diminuer et leur taille moyenne ainsi que leur concentration en hémoglobine augmenter.
D'autres analyses ADN ont montré en Europe une relative stabilité génomique, au cours des 2 000 dernières années, en ce qui concerne la réponse aux infections et le risque de maladies inflammatoires. Il est cependant possible que des adaptations très locales de la population aient eu lieu, mais cette étude n'a pas la capacité d'en rendre compte.
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