Le Syndicat national des médecins rhumatologues (SNMR) tire la sonnette d'alarme face à la pénurie de corticoïdes injectables. « Pour les patients souffrant de maladies qui touchent à l'appareil locomoteur, c'est-à-dire les os, les articulations, les muscles et les tendons, la pénurie des corticoïdes utilisés en infiltration pour réduire la douleur est un réel problème », souligne le syndicat.
À l’origine de cette pénurie : l'arrêt définitif de la production d'Altim (cortivazol, Sanofi) un médicament distribué exclusivement en France où il est très prescrit par les rhumatologues. Par effet domino, deux autres spécialités se sont retrouvées en situation de tension d'approvisionnement : l'Hydrocortancyl (prednisolone, commercialisée par Sanofi Aventis), et le Diprostène (bêtaméthasone, MSD). Déjà consultés par le laboratoire Sanofi et par l'agence nationale du médicament et des produits de santé dans le cadre d'un comité d'experts, les rhumatologues du SNMR souhaitent maintenant être reçus par la Haute Autorité de santé (HAS) afin de proposer des solutions pérennes à ce qu'ils qualifient de « crise sanitaire ».
Le président du SNMR, le Dr Éric Senbel, précise : « Actuellement, nous sommes réduits à l’utilisation d’alternatives thérapeutiques moins efficaces, parfois plus risquées, toujours plus coûteuses. Nous sommes parfois obligés de revoir les patients à distance de la consultation qui aurait pu faire l’objet de l’infiltration, ce qui augmente encore nos délais de rendez-vous et laisse les patients souffrir plus longtemps. »
L'Hydrocortancyl ne peut pas se substituer à toutes les indications
Dernier développement : une lettre a été envoyée mercredi 15 février par le laboratoire Sanofi, après approbation par l'ANSM, afin de rappeler que si l'Hydrocortancyl peut être employé dans les injections épidurales, il ne doit pas être injecté par voie foraminale, par voie épidurale postérieure au niveau du rachis cervical, ou sur un rachis récemment opéré. Les patients nécessitant ce type d'interventions sont donc actuellement confrontés à une impasse thérapeutique.
« Il s'agit d'un message nécessaire, et l'on peut ne peut que se satisfaire de la rapidité de la réaction des autorités et du laboratoire, réagit le Dr Senbel. Il est évident néanmoins que cela ne suffira pas à sortir de la crise et que toutes les autres pistes, pour lesquelles nous comptons fermement sur l'appui des autorités et du laboratoire doivent tout aussi rapidement être exploités. »
Les pistes proposées sont l’augmentation de la fabrication des produits non soumis à l'interruption de production ou le rapatriement des stocks venus de pays voisins qui ne connaissent pas les mêmes difficultés que la France. Contacté par « le Quotidien », le laboratoire Sanofi a précisé qu'« il n'est pas possible de mobiliser des stocks d'autres pays européens car Altim n'est commercialisé qu'en France où il est très prescrit ». Pour le Dr Éric Senbel, Altim est plébiscité en France pour tous les types d'infiltration « pour des raisons culturelles, Sanofi est une firme française, mais aussi parce qu’il s'agit de la seule spécialité en seringues préremplies utilisable au rachis ».
Diversifier les spécialités disponibles
Une alternative serait la requalification de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de certains produits comme l’hydrocortancyl suspension ou la Dexaméthasone commercialisées par Merck et Sandoz mais qui n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché en France. Le SNMR affirme s'être rapproché de Merck pour leur demander de déposer un dossier auprès de l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM).
Les corticoïdes injectables encore disponibles comme le Célestène (une bêtaméthasone), le Dépo-medrol (méthylprednisolone), le Kenacort retard (triamcinolone acétonide) ou l'Hexatrione (triamcinolone hexacétonide), ne sont pas utilisables dans l'ensemble des indications de l'Altim, comme le confirme le Dr Senbel : « Il faut distinguer les infiltrations du rachis des infiltrations articulaires et périarticulaires, explique-t-il, les injections articulaires peuvent être réalisées avec n'importe quel corticoïde injectable, comme le Kenacort retard mais pas les injections épidurales. Plus particulièrement, il n'y a pas d'alternative à l'Altim dans la voie foraminale. »
Les stocks épuisés
Depuis la fin janvier, les stocks d'Altim sont presque épuisés : « les hôpitaux disposent encore de stocks préservés, mais ils seront bientôt vides à leur tour », précise le Dr Senbel. Un comité d'experts, dont certains membres du SNMR, a été créé en partenariat avec le laboratoire Sanofi pour passer en revue la littérature et étudier des solutions.
Il ne s'agit pas du premier épisode de rupture, puisqu'en 2010, des ruptures de stocks avaient également été signalées, mais « c'est la première fois que la pénurie atteint une telle ampleur sur l'ensemble du pays ».
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