Sclérodermie systémique

Des critères pour un diagnostic précoce

Publié le 29/11/2010
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IL N’EXISTE PAS, à ce jour, de traitement curatif de la sclérodermie systémique. Même si l’on dispose de peu de données, un diagnostic précoce devrait néanmoins améliorer le pronostic de cette affection par la mise en œuvre d’une surveillance spécifique des patients et la prise en charge rapide des atteintes d’organes, notamment cardiaques, pulmonaires et rénales, qui peuvent compliquer l’évolution. Ce d’autant que comme l’explique le Dr Jérôme Avouac, « des avancées thérapeutiques récentes ont permis d’améliorer le traitement de certaines localisations comme l’hypertension artérielle pulmonaire ». D’où l’intérêt de disposer de critères pour ce diagnostic précoce de sclérodermie systémique. Un travail qui a été effectué par plusieurs experts, membres du groupe EUSTAR (EULAR scleroderma trial and research group), dont la naissance a été officiellement annoncée en 2003, sous les auspices du comité de l’EULAR (European League against rheumatism).

Un groupe de travail européen.

De fait les objectifs principaux de l’EUSTAR sont de promouvoir l’étude et la prise en charge de la sclérodermie, en particulier grâce à l’établissement de consensus thérapeutiques européens, sachant que depuis sa création, la base de données (chaque centre est tenu d’inclure un certain nombre de malades) s’est grandement étoffée et que des membres non européens, en particulier Nord- et Sud-américains, sont venus rejoindre le groupe.

Sur les 171 centres EUSTAR invités à participer à cette recherche de critères préliminaires, 85, comptabilisant 110 experts, ont fourni une liste initiale de 1 270 critères « considérés comme les plus importants pour poser le diagnostic précoce de sclérodermie systémique ». Les items ont ensuite été triés afin d’éliminer les doublons et classés en différents domaines. Cette seconde liste de 120 items a alors été soumise aux experts pour sélection à l’aide d’une méthode Delphi en ligne. Deux tours de « scrutin » ont été effectués : les critères ont été acceptés automatiquement s’ils avaient été sélectionnés par au moins 30 % des participants lors de ces deux premiers votes. Un troisième tour a ensuite eu pour objectif d’évaluer la pertinence clinique de chaque item sur une échelle numérique variant de 1 à 10 h 1 = aucune pertinence ; 10 : pertinence maximale ; score moyen › 8/10 = pertinent. De plus il était demandé d’évaluer l’importance de chaque critère pour l’orientation précoce vers un médecin spécialiste de la sclérodermie systémique.

Huit critères sélectionnés.

Après les deux premiers tours, huit critères ont été ainsi été choisis (voir tableau). Cinq d’entre eux ont de plus été considérés comme ayant une haute pertinence clinique. Il s’agit de la capillaroscopie anormale avec anomalies évocatrices de sclérodermie systémique (8,7±1,8 sur 10), des anticorps antitopoisomérase-I positifs (8,4±1,7 sur 10), des doigts boudinés évoluant vers une sclérodactylie (8,3±2,0 sur 10), des anticorps anticentromère positifs (8,1±1,7 sur 10) et du syndrome de Raynaud (8,0±2,1 sur 10). Enfin les items « syndrome de Raynaud », « doigts boudinés » et « anticorps antinucléaires » ont été considérés comme nécessaires pour orienter le patient vers un médecin spécialiste.

Un suivi observationnel actuellement en cours a pour objectif de valider ces critères préliminaires. Le programme VEDOSS (very early diagnosis of systemic scleroderma) mené actuellement auprès des médecins généralistes et spécialistes de la maladie devrait permettre d’asseoir l’intérêt d’une détection précoce de la maladie. Dans celui-ci, la présence d’un syndrome de Raynaud et de doigts boudinés doit conduire à la recherche d’anticorps antinucléaires puis à adresser les patients à un rhumatologue spécialisé dans la prise en charge de la sclérodermie systémique. Pour le Dr Jérôme Avouac, « tous ces efforts pour améliorer le pronostic de la sclérodermie systémique obéissent à la même dynamique qui a eu lieu pour les rhumatismes inflammatoires. En outre, ces travaux devraient permettre de mettre à jour des facteurs prédictifs d’évolution qui nous font aujourd’hui défaut ».

D’après un entretien avec le Dr Jérôme Avouac, service de rhumatologie A, hôpital Cochin, Paris.

 Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : Congrès Hebdo