Ostéoporose

Cibler les patients à risque de fracture à court terme

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Publié le 15/02/2018
Karine Briot

Karine Briot
Crédit photo : DR

Le travail du Dr Aude DELOUMEAU a porté sur 950 personnes ayant consulté dans la filière fracture pour une fracture non vertébrale (FNV) à l’hôpital Cochin. Elle a relevé ceux qui avaient déjà un antécédent fracturaire, sa date, ainsi que les facteurs de risque (FR) fracturaire. « Trois éléments ressortent nettement comme facteurs de risque de FNV à 3 ans, l’antécédent de fracture sévère -bassin, vertèbre, humérus et fémur-, la survenue de chute dans l’année qui précède (en excluant la chute responsable de la fracture à l’inclusion), et un IMC<20kgm2 » insiste le Dr BRIOT. La prédominance de ces 3 FR avait déjà été retrouvée dans deux autres publications sur le risque de fracture à court terme. Paradoxalement l’âge élevé semble protecteur, probablement du fait que les personnes âgées ayant surmonté la morbimortalité liée à leur première fracture sont celles dont l’état de santé est le meilleur. Ces facteurs de risque ont le même impact à 2 ans, même si la puissance statistique des résultats est alors plus faible.

Traiter la fracture récente plus que la DMO

Les études épidémiologiques ont montré que le risque de nouvelle fracture lié à un antécédent fracturaire est temps-dépendant, c’est-à-dire qu’il est majeur dans les 2 à 3 premières années suivant la fracture, puis diminue ensuite, même s’il reste significatif. Dans les trois études qui se sont intéressées aux facteurs prédictifs de FNV à court terme, aucune ne retrouve la DMO, vraisemblablement «écrasée» par le poids des autres éléments. Si on veut traiter les patients les plus à risque, les facteurs classiques osseux comme la DMO ne sont donc pas forcément les plus pertinents. Une étude montre que la moitié des personnes victimes d’une FNV sévère ont un T-score > -2.5 suggérant que la densité osseuse n’explique pas la survenue de toutes les fractures. Et même en cas de fracture (en particulier de l’extrémité supérieure du fémur) avec un T-score > -2.5, les traitements anti-ostéoporotiques comme l’acide zolédronique restent efficaces pour prévenir le risque de refracture dès la première année de traitement. Les prochaines recommandations sur le traitement de l’ostéoporose post-ménopausique préconiseront d’ailleurs de traiter toute fracture sévère survenant après un faible traumatisme dès que le T-score est < -1.

Un objectif thérapeutique plus proche

Ce concept novateur de risque de fracture à court terme doit permettre de traiter les personnes les plus à risque en état plus motivant pour les patients et les médecins. «L’outil prédictif du risque fracturaire FRAX évalue le risque à 10 ans, une cible beaucoup trop lointaine pour les patients et les médecins. Une étude menée à Cochin avec des sociologues illustre clairement que cette notion de risque à 10 ans n’est pas très parlante, vu tous les évènements intercurrents pouvant survenir entre-temps. Il serait plus motivant pour améliorer les prescriptions et l’adhésion d’instaurer un traitement quand le risque de refracture est élevé à court terme. C’est dans ces situations que le rapport bénéfice/risque du traitement est le plus élevé», concède le Dr BRIOT.

On sait qu’en France, moins de 15% des personnes ayant fait une fracture bénéficient d’une prévention du risque fracturaire, alors qu’il faut instaurer rapidement un traitement antiostéoporotique en associations aux mesures de prévention des chutes, au maintien ou à la reprise d’une activité physique, la correction d’une dénutrition. Cette prise en charge nécessite l’organisation de réseaux de soins à travers des filières ortho-gériatriques ou des filières fractures qui ont fait la preuve de leur efficacité pour diminuer la mortalité et la récidive fracturaire, mais qui restent très difficiles à organiser sur l’ensemble du territoire.

D’après un entretien avec le Dr Karine BRIOT, Hôpital Cochin

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr