Parmi les pathologies pulmonaires pouvant compliquer la PR, les atteintes interstitielles sont les plus fréquentes et les plus graves, associées à une surmortalité. Environ 10 % des patients avec une PR vont développer une PID symptomatique. « Si dans le cadre d'une étude, on explore systématiquement par un scanner thoracique haute définition des patients atteints d'une PR, on peut mettre en évidence une PID chez 20 à 60 % d'entre eux, soit une fréquence plus importante que celle à laquelle on pourrait s'attendre. Pour autant, à ce jour, il n'y a aucune recommandation officielle des sociétés savantes françaises ou internationales sur une stratégie de dépistage de cette complication extra-articulaire de la PR », note le Dr Juge. La situation est différente quand les patients atteints de PR sont symptomatiques sur le plan pulmonaire. « On sort alors du cadre du dépistage avec une indication à la réalisation d'un scanner thoracique et la mise en place d'une surveillance pneumologique ».
Des signes d’alerte
Des travaux sont en cours, chez les patients atteints de PR, pour déterminer ceux à haut risque de développer une forme préclinique de PID. « Notre équipe a notamment retrouvé une association entre un variant génétique (rs35705950) du gène MUC5B et l'atteinte interstitielle associée à la PR. Dans une étude de cohorte réalisée chez des patients atteints de PR sans symptôme pulmonaire, une association entre ce variant et la survenue d'une PID asymptomatique a été observée. Cependant, le génotypage du variant d'intérêt de MUC5B n'existe pas encore en routine clinique », commente le Dr Juge.
En attendant le développement d'un tel test, d'autres facteurs de risque identifiés dans cette étude, doivent alerter le rhumatologue : le sexe masculin, l'âge tardif au diagnostic de la PR et une activité élevée de la maladie. Ces facteurs de risques indépendants ont permis d'établir un score de risque de la PID préclinique chez les patients atteints de PR. « Quand ces trois facteurs cliniques sont présents et que le patient porte l'allèle à risque du variant à risque de MUC5B, il y a 95 % de risque d'avoir une PID associée à la PR. Si aucun de ces facteurs n'est présent, le risque n'est que de 2 %. En outre, ce score de risque a une valeur prédictive négative supérieure à 90 %, ce qui en fait un potentiel outil de dépistage des patients à haut risque, éligibles à une exploration par scanner thoracique », commentent le Dr Juge et le Pr Dieudé.
Des traitements à l’étude
Il n'existe aucun essai contrôlé randomisé dédié à la PID associée à la PR. « Diverses études ont toutefois montré que des médicaments de la PR comme le méthotrexate (MTX), que l'on croyait pourvoyeur de PID associée à la PR, ne le sont pas. C’est rassurant. Mais est-ce pour autant bénéfique d'en donner en cas d'association PR et PID ? On ne sait pas… De récents travaux suggèrent que oui, mais il ne s'agit pas d'études interventionnelles, randomisées, contrôlées. De plus en plus d'éléments indirects laissent ainsi penser que le MTX ne serait pas délétère en cas de PID sous-jacente, voire qu'il pourrait être bénéfique, mais les études doivent se poursuivre. Pour l'instant, on peut juste en déduire que la découverte d'une PID ne doit pas faire systématiquement arrêter le MTX. En cas d'interrogation, ce doit être un motif de discussion multidisciplinaire entre rhumatologues et pneumologues », insiste le Pr Dieudé.
Concernant les autres immunosuppresseurs utilisés dans la PR, il n'existe que des études rétrospectives avec un faible niveau de preuves. L'absence d'essai contrôlé ne permet ni de recommander, ni de contre-indiquer une molécule en particulier pour la prise en charge de ces patients. Néanmoins, une large étude multicentrique rétrospective suggère une bonne tolérance de l'abatacept. Une seconde, avec un niveau de preuve très bas, suggère également une bonne tolérance du rituximab. « Concernant les molécules anti-fibrosantes utilisées par les pneumologues, une étude réalisée avec le nintedanib testée chez des patients avec une PID fibrosante progressive pouvant être associée à des connectivites (dont la PR) a montré un effet bénéfique en diminuant le déclin de la Capacité Vitale Forcée (CVF) aux explorations fonctionnelles respiratoires. La sous-analyse d'une autre étude avec la pirfenidone, encore non publiée, montre également un effet potentiellement bénéfique sur l'évolution de la CVF. Les molécules anti-fibrosantes pourraient donc avoir éventuellement leur place dans l'indication de la PID fibrosante progressive associée à la PR, mais cela reste à démontrer par des études contrôlées dédiées », conclut le Dr Juge et le Pr Dieudé.
D’après un entretien avec le Dr Pierre-Antoine Juge et le Pr Philippe Dieudé, hôpital Bichat-Claude Bernard (Paris)
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