Retours d'expériences après la crise Covid

Le diagnostic sévère des radiothérapeutes libéraux

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Publié le 19/06/2020
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Le Syndicat national des radiothérapeutes oncologues (SNRO) fustige une « administration hypertrophiée » source de lenteurs et d'erreurs dans la gestion de crise.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La radiothérapie est de son propre aveu un « petit monde » habitué à la coopération public privé – entre 800 et 850 praticiens dont moins de la moitié en libéral. Mais cette spécialité se montre très critique sur la gouvernance du système de santé pendant la crise, selon plusieurs médecins du Syndicat national des radiothérapeutes oncologues (SNRO) qui ont livré leurs témoignages.

La capacité des autorités (DGS, DGOS, ARS, etc.) à prendre les bonnes décisions est remise en question. Alors que la spécialité faisait preuve de réactivité pour assurer la prise en charge des patients cancéreux (roulement des équipes, définition de bonnes pratiques de crise, échange de mails), les radiothérapeutes libéraux se sont sentis « abandonnés » par les tutelles. La pénurie de masques a été le gros point noir. « Les recommandations indiquaient que le masque pour le personnel était obligatoire, devait être changé toutes les quatre heures et qu’il fallait si nécessaire le fournir aux patients (pour les cancers ORL, pulmonaires, signes d’appel), souligne le syndicat. Or, au début, il y a eu des dotations... seulement pour les établissements de soins, et les cabinets libéraux ne sont pas considérés juridiquement comme tels ! » Cette situation a compliqué l'organisation des cabinets. Le SNRO épingle le « mille-feuilles administratif, inefficace, inutile, voire méprisant. »  

Même une fois les masques débloqués en ville, tous les cabinets libéraux n'ont pas reçu leurs dotations. Autre incongruité : les manipulateurs de radiothérapie n’ont été reconnus parmi les professionnels pouvant obtenir des masques en pharmacie que le 20 avril...

Reprise compliquée

Même à l'heure de la reprise d'activité, la situation fut loin d'être optimale. « C'est le réveil des administrations après la bataille, les tutelles créent des comités », ironise le syndicat qui précise que tous les sigles y passent (INCA, ARS, DGOS, ATIH, CNAM, etc.). La suite ? « On nous promet une interrogation de la base, un recueil des données, leurs analyses et un retour avec recommandations pour la mi-juin ! Pourtant, tous les dossiers concernant notre spécialité traînent depuis de nombreuses années », s'insurge le syndicat qui cite la nomenclature ou le passage des cabinets libéraux en établissements de soins.

Cette séquence laisse un goût amer. « Les tutelles ne nous ont pas beaucoup aidés pendant la crise, et on les voit arriver maintenant pour donner des consignes sur la reprise d'activité, cela passe mal », résume le Dr Erik Monpetit, président du SNRO.

D'autant que les radiothérapeutes s'attendent à un surcroît d'activité à l'automne, conséquence de la diminution des cas de cancer diagnostiqués et opérés pendant le confinement. En mars, avril et mai, la chirurgie de cancer du sein a baissé de 50 %. Mais la reprise de l'activité opératoire est parfois freinée à cause de la pénurie de curares ou de blocages des ARS... 

Face à ce « manque d’efficacité », les radiothérapeutes demandent  la transformation de l’Institut national du cancer (INCa), seul organisme à tirer son épingle du jeu, en « entité décisionnelle ». Au niveau régional, la spécialité souhaite la mise en place de commissions paritaires public/privé « avec des médecins nommés par leurs pairs », dont les ARS seraient chargées d'appliquer les décisions.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin