La fin de 60 ans de stigmatisation ? Les psychédéliques jouissent d’un regain d’intérêt en psychiatrie, alors que leurs effets thérapeutiques ont été démontrés en association avec la psychothérapie dans la dépression résistante, l’anxiété liée à la fin de vie, les addictions, voire le stress post-traumatique (MDMA).
En 2024, un article (1) publié par des chercheurs chinois et britanniques dans le British Medical Journal montre qu’une injection unique à faible dose d'eskétamine, administrée en intraveineuse 40 minutes après l’accouchement, réduirait les épisodes dépressifs majeurs chez les femmes ayant présenté des symptômes dépressifs pendant la grossesse. Aucune des 361 participantes (âgées en moyenne de 32 ans) n'a pris d'antidépresseurs, ni reçu de psychothérapie pendant l’étude. Au terme du suivi (42 jours post-accouchement), 12 des 180 mères (soit 6,7 %) ayant reçu de l'eskétamine (une faible dose) ont connu un épisode dépressif majeur, contre 46 des 181 ayant reçu un placebo (25,4 %), soit une réduction du risque de trois quarts. Les mères ayant reçu de l'eskétamine présentaient des scores de dépression inférieurs aux autres.
Si les chercheurs reconnaissent des limites (exclusion des mères souffrant de troubles de l’humeur avant la grossesse, courte période de suivi…), ils insistent sur la cohérence de ces résultats avec des travaux antérieurs.
La psilocybine testée à Nîmes et Paris
En France, 2024 marque le lancement d’essais cliniques sur les psychédéliques, un changement d’ère alors que les recherches nationales sur ces substances se sont taries depuis les années 1960. En février, le service d’addictologie du CHU de Nîmes a démarré une étude d’évaluation de la psychothérapie assistée par psilocybine dans la prévention des rechutes d'alcool chez les personnes récemment sevrées et souffrant de signes de dépression persistante. L’objectif : recruter 30 patients qui recevront aléatoirement soit deux fortes doses de psilocybine (25 mg) à trois semaines d’écart, soit (pour un patient sur trois) deux très faibles doses (1 mg) pour le bras contrôle.
Les prises seront associées à une préparation du patient avant la session psychédélique, à un accompagnement psychothérapeutique en continu pendant et, entre les deux sessions, à un programme de prévention pour éviter les rechutes alcooliques. Les premiers résultats sont attendus d’ici à un an, l’hypothèse étant que la psilocybine a un effet « booster » sur la psychothérapie. « Au-delà des modifications sur les marqueurs d’inflammation et sur les neurotransmetteurs notamment sérotoninergiques, l’action ne se limite pas au moment de la prise : il y a des modulations qui ont lieu tous les jours et cela pendant près de trois semaines », explique la Dr Amandine Luquiens, addictologue au CHU de Nîmes en charge de l’étude. Le patient est ainsi maintenu dans une flexibilité cognitive et psychologique augmentée qui facilite l’acquisition de nouveaux comportements et mécanismes d’apprentissage.
Au GHU Paris, la psilocybine est testée cette fois par l’équipe de la Dr Lucie Berkovitch (CHU Sainte-Anne) dans la dépression résistante, dans le cadre d’un essai international multicentrique mené par la firme Compass Pathways. Il s’agit de déterminer si un médicament composé de psilocybine, associé à un soutien psychologique, s’avère efficace pour les personnes qui n’ont pas répondu correctement aux traitements antérieurs.
Deux études au design très prudent, qui ont su relever un double défi : trouver des financements et se procurer la substance.
(1) BMJ 2024; 385 DOI: 10.1136/bmj-2023-078218
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024