Comment réagissez-vous à l’annulation du Conseil national de la refondation (CNR) en psychiatrie qui devait démarrer le 12 juin ?
Nous regrettons que la situation nationale conduise à une annulation de ce CNR, car la psychiatrie est un véritable enjeu de société. Plus d’un Français sur cinq est concerné par les troubles de santé mentale. Et la courbe ne cesse de monter. Mais notre organisation systémique ne permet pas de répondre aux besoins de santé publique, et en particulier pour le secteur privé qui a dans son ADN cette capacité à s’adapter. Ce qui fait de nous un partenaire empêché.
Vous vous qualifiez de « partenaire empêché ». Pourtant, la réforme du financement de la psychiatrie est bien engagée depuis 2022…
Il s’agit d’une réforme basée sur la période d’avant Covid qui ne répond pas aux besoins en nette augmentation depuis lors. Elle présentait dès le départ une moyennisation de l’activité qui tirait vers le bas l’offre de soins dans sa qualité et les activités de spécialités [la réforme unifie les deux modes de financement antérieurs : dotation annuelle et prix de journée, NDLR]. De notre côté, nous nous étions engagés pour la modernisation de la psychiatrie et pour la meilleure valorisation possible des spécialités pour faire évoluer le modèle. Le constat est que le modèle démarré en 2022 qui continue de se construire n’est toujours pas finalisé.
Pourquoi n’en êtes-vous pas satisfait ?
Outre les besoins en forte hausse, le modèle de financement fige et met en stagnation l’offre de soins. Ce qui crée au quotidien de la dette de soins et donc induit une problématique grandissante d’accès aux soins, d’hétérogénéité des territoires, etc. Il n’existe pas de dynamique pour avoir une adéquation avec la situation réelle du terrain. En témoigne le fait que ces nouvelles autorisations accordées depuis 2019 sont complètement sous-financées. Elles n’étaient financées qu’à hauteur de 15 % des besoins en 2022 et qu’à hauteur de 24 % en 2023.
Quelles sont vos revendications ?
D’abord, il faut poursuivre la réforme des autorisations. Ensuite, nous devons revoir le modèle de financement : il ne s’agit pas de donner plus d’argent, mais que chaque euro investi soit utile au patient. Alors que les enveloppes ne cessent d’augmenter chaque année, les acteurs comme les patients ne sont toujours pas satisfaits.
La psychiatrie publique vous rejoint-elle sur ce bilan ?
Le public nous rejoint sur les besoins. Mais nous avons des différences de point de vue. Notre réalité est que dans cette enveloppe fermée liée au modèle de financement, plus nous travaillons, moins nous sommes payés. Nous sommes face à des injonctions contradictoires des agences régionales de santé qui nous demandent de répondre davantage aux besoins. Mais nous ne pouvons pas nous développer car le modèle ne le permet pas. Pire, les ARS nous accordent de nouvelles autorisations, mais sans savoir comment les financer. Notre demande est pourtant simple : nous souhaitons juste être rémunérés à hauteur de notre travail.
Certains de vos établissements sont-ils menacés ?
Aujourd’hui, nous nous situons dans une phase de sécurisation de la réforme qui a démarré le 1er janvier 2022 et prendra fin le 31 décembre 2025. Mais cette dernière est très incomplète et aussi très en retard dans sa construction. Nous ne sommes pas en mesure d’anticiper avant fin 2025 pour sortir de ce modèle qui n’est toujours pas opérationnel.
Pouvez-vous chiffrer ces besoins ?
Nous avons publié une étude remise au ministère qui faisait état en 2023 de 3,3 millions de journées d’hospitalisation non financées. Et la projection pour les années à venir jusqu’en 2027 va continuer à creuser de la dette de soin.
Vous êtes financé à la dotation et majoritairement à la dotation dite populationnelle. Faut-il amender ce dispositif ?
Nous sommes valorisés complètement à la dotation en fonction de grilles propres à chacune des spécialités. Nous fonctionnons sous enveloppe financière fermée. Je ne peux même pas vous dire comment elles sont valorisées. Ce flou engendre a posteriori une variation d’une année sur l’autre en fonction de l’enveloppe et de la consommation du secteur. Ce modèle extrêmement complexe ne permet aucunement de faire de la prévision et n’est pas à la hauteur de la situation. Le gouvernement veut en faire une grande cause nationale et nous partageons cette ambition. Mais nous souhaitons que cela se traduise par des actes et des adaptations adéquats à la réalité du terrain. C’est malheureusement un bilan froid que nous avons avec le recul depuis la mise en place de la réforme menée depuis deux ans et demi.
Souhaitez-vous une reprise du CNR quel que soit le prochain gouvernement ?
Nous souhaitons en effet reprendre ces travaux sur l’ensemble de la psychiatrie ainsi qu’une reconnaissance à parts égales de la psychiatrie privée et de la psychiatrie publique. Le privé est toujours considéré de manière marginale alors que nous faisons 30 % de l’activité avec 9 % de financement. Nous demandons une équité de fonctionnement.
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