L’ANXIÉTÉ pathologique peut prendre de nombreuses formes qu’il est important d’identifier derrière une symptomatologie somatique qui peut être aussi bien cardio-vasculaire, respiratoire, neurologique, digestive ou autres telles que polyurie, sueurs, rougeur, pâleur ou hyperthermie. Elle peut prendre la forme d’épisodes aigus transitoires (crises d’angoisse ou attaque de panique, durant une trentaine de minutes), d’anxiété phobique où une situation bien définie déclenche la crise, d’obsessions avec intrusions répétées et involontaires de pensées anxiogènes, ou être plus prolongée tel le trouble anxieux généralisé (TAG). Les psychotropes à activité anxiolytique rapide sont indiqués lorsque l’intensité du handicap fonctionnel constitue une entrave à la vie courante. Les BZD constituent les molécules de référence. D’autres psychotropes comme les antidépresseurs (ISRS, ISNA ou tricycliques) agissent de façon progressive et sont utilisés dans les troubles anxieux chroniques en prescription sur plusieurs mois.
Prescription bien codifiée.
Afin d’éviter le développement d’une dépendance, qui peut être psychique et/ou comportementale, lié soit à une consommation prolongée soit à des doses importantes, et qui constitue le risque principal de l’utilisation de ces molécules, leur prescription est désormais assujettie à des recommandations très claires. Le traitement est initié avec la plus petite dose possible en raison de l’importante variabilité individuelle de sensibilité, laquelle ne peut être prévisible. La posologie est augmentée au besoin dans un deuxième temps. La prescription, régulièrement réévaluée, ne doit pas dépasser 12 semaines, période de sevrage comprise. Les risques de sédation, d’interaction avec l’alcool et de dépendance à long terme sont expliqués au patient. En cas de dépression, les BZD ne sont plus systématiquement associées aux antidépresseurs, sauf s’il s’agit de calmer durant les 2 à 3 premières semaines une anxiété qui peut être importante avec des troubles du sommeil. Enfin, « l’initiation d’un traitement chez la personne âgée doit être bien réfléchie car il est plus fréquent d’être confronté, dans un deuxième temps, à des situations de dépendance et de complications. »
Ces recommandations de maîtrise de prescription sont bien connues des praticiens mais se heurtent toutefois fréquemment à la réalité du terrain. Il en est pour preuve la prévalence de la consommation des benzodiazépines et apparentés en France qui est très élevée - surtout chez les sujets de 65 ans et plus. À ce paradoxe qui interpelle les médecins rouennais, le Dr Pelissolo constate « qu’en l’absence de réponse précise, il est possible d’évoquer l’accessibilité privilégiée au système de soins en France, l’absence d’alternative de prise en charge contrairement à certains pays ou l’accès aux psychologues est plus facile ou à d’autres pays dont les habitudes de prescription se portent davantage sur les neuroleptiques. Mais la France garde une spécificité, d’après une récente enquête, la fréquence des plaintes pour anxiété et stress dépasserait celle qui est observée dans d’autres pays ! »
La prescription de BZD à la demande représente un cas particulier. L’avantage est d’éviter une consommation régulière et donc le risque de dépendance physique. Toutefois, « le piège est de créer une forme de dépendance psychologique, car, très vite, le patient prend l’habitude de se déplacer avec sa boîte sur lui, rassuré par cette simple proximité. » Une prise en charge globale orientée sur l’aspect psycho-éducatif avec gestion du stress et relaxation aide le patient à quitter cette béquille.
Libération progressive des récepteurs.
Le risque de dépendance n’est pas identique d’un patient à un autre. Au moment de l’arrêt des convulsions sont possibles, même chez un patient ayant pris un traitement assez court et à dose moyenne. Il existe toutefois des facteurs de risque bien identifiés. La dépendance survient plus volontiers chez les personnalités pathologiques, chez les patients ayant un profil addictif à l’alcool ou à d’autres drogues, ou chez ceux qui augmentent progressivement les doses, ce qui pour le Dr Pelissolo « est surtout vrai pour les abuseurs et non pour la majorité des patients ». La demi-vie des molécules - sans rapport avec la dépendance - influence en revanche le déroulement du sevrage. Les BZD à demi-vie longue facilitent le sevrage en libérant très progressivement les récepteurs, et il est recommandé de les substituer aux BZD à demi-vie courte lorsqu’on veut arrêter un traitement ancien. Les sujets âgés de plus de 75 ans ou polypathologiques de plus de 65 ans sont un cas particulier où les BZD à demi-vie longue doivent être utilisées à demi-dose et pour lesquels sont préconisés les BZD à demi-vie courte.
Sevrage : une diminution lente et graduelle.
« Pour réussir un sevrage aux BZD, comme pour le sevrage tabagique, la motivation du patient est un paramètre essentiel. Il faut être conscient que sur le plan pratique, il existe toujours des réajustements par rapport au programme de décroissance posologique initialement prévu. Il faut rester en contact étroit avec le patient pour l’empêcher de se décourager et réajuster au besoin le programme avec son concours ». Certes, constate la salle, il n’est pas toujours aisé de convaincre le patient de la nécessité d’arrêter, surtout s’il s’agit d’une ancienne « habitude ». Pour le Dr Pelissolo « A partir du moment où le praticien est en charge du renouvellement de l’ordonnance, il faudrait à chaque consultation s’interroger sur les raisons de la prescription, partager cette interrogation avec le patient et l’informer que la problématique sera régulièrement soulevée. Même si le contexte de vie du patient ne paraît pas se prêter au sevrage, il est toujours possible de l’évoquer en rappelant les inconvénients potentiels du traitement ». Le sevrage doit toujours être tenté, y compris chez les patients qui prennent des doses minimes qui paraissent être sans inconvénient. « Le traitement reste toujours une contrainte pour le patient, il n’est pas possible d’écarter les risques d’erreur de dose, celui d’un sevrage brutal même avec des posologies faibles ou de survenue de syndromes confusionnels quand le malade prend de l’âge » rappelle le Dr Pelissolo.
La période d’arrêt doit être d’autant plus progressive que le traitement a été prolongé ou prescrit à doses importantes. Les doses fractionnées sont réparties dans la journée et le patient choisit lui-même les doses qu’il supprime. Il est prévenu des risques de survenue de symptômes de sevrage : anxiété, troubles du sommeil et perceptions sensorielles anormales (odeurs, sons et lumière), et on lui demande de les noter sur un carnet de bord parallèlement à ses prises. La pratique de la relaxation, les thérapies comportementales ou la psychothérapie sont des aides précieuses à la réussite du sevrage.
Des pathologies plus spécifiques peuvent émerger durant cette période de sevrage, nécessitant le recours à un spécialiste.
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