Alors que l'anorexie mentale reste l'objet de beaucoup de questionnements tant dans ses mécanismes que dans ses traitements, une étude publiée le 15 mars dans « International Journal of eating disorders » suggère une nouvelle piste de recherche orientée, non pas sur la restriction alimentaire, mais sur la récompense liée à l'effort physique, qui pourrait avoir une dimension génétique.
Des chercheurs à l'Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris/GHU Paris Psychiatrie et neurosciences (Inserm/Université de Paris), sont partis du paradoxe suivant : les patients souffrant d'anorexie mentale subissent une diminution des capacités physiques (consécutives aux carences alimentaires) mais continuent souvent à pratiquer une activité sportive intense.
« Nous savons que l'anorexie mentale s'organise sur un cercle vicieux où ce qui me fait maigrir est tellement gratifiant que je peux passer outre les dangers que je connais pourtant. Cette anomalie du processus décisionnel est liée avec l'effet récompense, mais il est compliqué de comprendre comment un manque (carence alimentaire) peut être en soi un renforçateur. C'est pourquoi nous nous sommes plutôt penchés sur l'autre versant de la perte de poids : l'activité physique », explique le Pr Philip Gorwood, chef de la clinique des maladies mentales et de l’encéphale et co-auteur de l'étude, dans un communiqué de l'Inserm.
Augmentation des émotions positives liées au sport
L'étude a inclus 88 patientes souffrant d'anorexie mentale, 30 de leurs proches (mère et sœur) non malades et 89 individus contrôles sans anorexie. Tous ont été invités à pratiquer un exercice physique standardisé puis à répondre à des questionnaires portant sur leurs émotions après l'effort et sur la perception de leur image corporelle. L’objectif était double : explorer les conséquences émotionnelles et cognitives lors de la pratique sportive et rechercher les endophénotypes de la pathologie (possible marqueur d’une participation génétique à la maladie) liées à l'exercice.
À effort équivalent, les patients rapportent plus d'émotions positives que les cas contrôles. « Le fait de faire du sport leur envoie un message de renforcement positif qui les amène à poursuivre cette activité en dépit de leur fatigue ou de leur faiblesse. La dépense calorique est un facteur déterminant qui conduit à la poursuite de l'effort », commente le Pr Gorwood. Des résultats qui rejoignent de précédentes conclusions de son équipe, montrant que l'anorexie mentale est plus associée au plaisir de maigrir qu'à la peur de grossir. « Il s'agit d'une approche atypique car l'effort physique n'est pas considéré comme une manifestation clinique de l'anorexie », souligne le Pr Gorwood.
Plus original, ce nouveau travail observe des émotions positives liées au sport également chez les cas apparentés. Ce qui suggère que ce trait de vulnérabilité serait partagé au sein de la famille des personnes atteintes d'anorexie. Les chercheurs ont observé une augmentation modérée de la distorsion de l'image corporelle et une légère augmentation de la rigidité cognitive chez les sujets souffrant d'anorexie et leurs parents par rapport aux sujets sains.
En conclusion, les auteurs invitent à traduire ces résultats dans la prise en charge clinique des patients, en leur proposant de réapprendre le plaisir d'un effort physique modéré et de désapprendre l'effort physique addictif associé à une perte de poids. L'on considère que l'anorexie mentale touche 4 % de la population et que 1 % des personnes atteintes en décéderaient chaque année.
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