Un peptide dérivé de l’endostatine prometteur

Une piste contre la fibrose, notamment pulmonaire

Publié le 06/06/2012
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Crédit photo : PHANIE

LA FIBROSE, ou cicatrisation excessive, peut se développer dans des organes à la phase terminale d’une inflammation chronique (tuberculose pulmonaire, cirrhose hépatique) ou à la suite d’expositions professionnelles et environnementales, d’expositions à la radiothérapie ou chimiothérapie, ou encore lors d’un rejet chronique d’allogreffe. Elle peut être également idiopathique, se développant sans raison connue, comme dans la fibrose pulmonaire idiopathique.

Dans tous les cas, le tissu cicatriciel remplace les structures fonctionnelles et perturbe l’architecture de l’organe. Lorsque l’organe est vital, tel le poumon, les conséquences peuvent être fatales.

A ce jour, il n’existe aucune thérapie prouvée efficace contre la fibrose, en dépit des efforts majeurs entrepris pour développer des thérapies antifibrotiques.

Taux accrus d’endostatine.

« On estime que la fibrose contribue à 45 % des décès dans les pays développés parce que la défaillance d’organe est la voie commune finale de nombreuses maladies. L’identification d’une approche pour arrêter le développement de ce processus aurait un impact énorme sur la mortalité et la qualité de vie », souligne le Dr Carol Feghali-Bostwick (université de Pittsburgh, PA) qui a dirigé ce travail.

Intrigués par le fait que les taux d’endostatine sont accrus (de 2 à 20 fois) dans le sérum et le liquide bronchoalvéolaire des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, Yamaguchi et coll. ont cherché à savoir si l’endostatine et des peptides dérivés de l’endostatine pouvaient exercer un effet sur le développement de la fibrose.

Après avoir constaté que l’endostatine peut inhiber le développement de la fibrose qui survient après exposition d’explants de peau humaine au TGF-bêta, les chercheurs ont pu attribuer cette activité à sa région C terminale, ou peptide E3. Ils ont créé une forme amidée de ce peptide, E4, plus stable et possédant une activité antifibrotique plus puissante.

Le peptide E4 prévient la fibrose du derme induite par le TGF-bêta dans des explants de peau humaine (ex vivo) et dans un modèle murin in vivo. E4 prévient aussi le développement de la fibrose du derme et de la fibrose pulmonaire induit par la bléomycine dans des modèles murins in vivo. De plus, il réduit significativement la fibrose existante dans ces modèles précliniques. E4 est efficace en injection aussi bien sous-cutanée que dans la trachée ou par voie intrapéritonéale.

Enfin, E4 est dépourvu de l’activité antiangiogénique de l’endostatine, attribuée à son domaine N-terminal.

Le mécanisme d’action d’E4 n’est pas complètement défini, mais il pourrait agir en abaissant les taux de la lysyl oxydase et, de ce fait, réduire les liaisons croisées du collagène qui sont nécessaires à l’élaboration des cicatrices épaisses.

Des études de toxicité sont nécessaires.

Pour les chercheurs, l’augmentation de l’endostatine dans les tissus fibrotiques constituerait donc une boucle de rétroaction négative, destinée à arrêter la progression de la fibrose mais insuffisante pour y parvenir.

« Il reste à savoir si E4 sera efficace dans les essais cliniques chez les patients souffrant de fibrose d’organes. Sur la base de ces résultats, il est permis d’espérer que, peut-être, cette fois-ci, les observations faites en culture de cellules et d’organes, et sur les modèles animaux, pourront aboutir à un traitement efficace », conclut dans un commentaire associé le Dr Sergei Atamas (Université du Maryland à Baltimore).

Avant de pouvoir débuter des essais cliniques, l’équipe doit réaliser les études de toxicité et chercher pour cela un partenaire sponsor.

Science Translational Medicine, 30 mai 2012, Yamaguchi et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9137