Une piste à explorer dans l’asthme atypique

Une atteinte auto-immune des bronches identifiée pour la première fois

Publié le 16/02/2009
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«  C’EST UNE HISTOIRE originale en terme d’identification  », explique le Pr Jean-Claude Carel (endocrinologie diabétologie pédiatriques, hôpital Robert-Debré & INSERM U690), l’un des signataires de l’étude. Les observations ont été réalisées à partir de patients porteurs du SPEAI1 suivis à l’hôpital.

Le SPEAI1 est une maladie rare, déterminée génétiquement, liée au défaut du gène AIRE, identifié en 1999, qui confère une susceptibilité à l’auto-immunité. La plupart des patients sont porteurs d’une insuffisance surrénalienne et d’une hypoparathyroïdie (environ 100 %). Ils présentent aussi quasiment tous une candidose muqueuse chronique. En plus de cela, la maladie donne une tendance à des manifestations auto-immunes diverses : environ 15 % de ces malades ont un diabète, certains souffrent de malabsorption digestive.

L’évolution peut être grave.

«  C’est une maladie extrêmement rare  », précise le Pr Carel. Il y a probablement 200 à 300 personnes touchées en France. C’est aussi une maladie extrêmement grave. «  Un des mes patients avait en plus un asthme relativement sévère. Avec des manifestations bronchiques évoluant par crises, sur un fond d’asthme constant.  » L’atteinte respiratoire de ce patient suivait une évolution inhabituelle vers une insuffisance respiratoire.

Nous avons posé l’hypothèse que cette maladie respiratoire pouvait être une autre manifestation auto-immune. Les équipes ont réuni leurs données au niveau international et observé que dans l’ensemble des patients qui ont un SPEAI 1, un petit pourcentage ont des manifestations bronchiques (environ 5 à 10 %). Le repérage se fait au niveau international (Italie, Finlande, Grande-Bretagne) et dans le sud de la France à Marseille. Les observations montrent que l’évolution des syndromes bronchiques peut être extrêmement grave : le patient marseillais est décédé de ce qui a été considéré comme un asthme ayant évolué vers une insuffisance respiratoire. Chez un patient, le diagnostic de SPEAI 1 n’avait pas été fait et le sujet a été considéré comme souffrant d’une forme atypique de mucoviscidose.

Des anticorps marquant les petites bronches.

Pour tester l’hypothèse de l’origine auto-immune, un examen par immunofluorescence des biopsies prélevées chez les malades a été réalisé. Ce qui montre l’existence d’auto-anticorps marquant spécifiquement les petites bronches, et absents sur les grosses bronches. Ensuite, ces anticorps marquant ont été retrouvés, toujours par immunofluorescence, dans le sérum des patients.

Une collaboration a ensuite été réalisée avec l’équipe suédoise de Olle Kampe et Mohammad Alimohammadi. Ils ont utilisé une banque d’expression avec laquelle ils ont screené le sérum de patients. Cela a permis d’identifier la protéine KCNRG, un régulateur putatif de canaux potassium, comme étant la cible des anticorps anti-petites bronches. Il a ensuite été facile de faire coïncider la réactivité en immunofluorescence, l’anticorps anti-KCNRG, et cette protéine spécifiquement exprimée au niveau des petites bronches.

«C’est la première fois que des auto-anticorps contre les bronches sont mis en évidence, bien que l’on connaisse des auto-anticorps contre différents organes (îlots, thyroïde).» Cliniquement, cette atteinte est confondue avec d’autres manifestations pulmonaires.

De cette découverte découlent un certain nombre d’idées qui vont être testée. On peut rechercher si des asthmes atypiques, non atopiques, correspondraient à des maladies auto-immunes. Des patients vont faire l’objet d’études.

Ensuite, il est nécessaire de mieux connaître cette protéine qui régule un canal potassique et qui joue un rôle important dans le fonctionnement des bronches. A quoi sert-elle ? Peut-elle être la cible d’un nouveau traitement de l’asthme ?

Pour la suite de l’histoire du patient dont tout est parti, il a été traité par immunosuppresseurs avec un très bon résultat, alors qu’il avait des corticostéroïdes à dose élevée sans effet satisfaisant.

Proc Natl Acad Sci USA, édition avancée en ligne.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr