« Pour différencier une étiologie bactérienne d’une étiologie virale, on dispose désormais, du moins à l’hôpital, de nouveaux outils diagnostiques : tests viraux et procalcitonine, résume le Dr Jonathan Messika, CHU Louis Mourier. Les PCR sur sécrétions se démocratisent. Elles sont désormais très largement utilisées à l’hôpital ». Ces tests ciblent l’intégralité des virus respiratoires, dont les plus pourvoyeurs de complications : (virus grippal, virus respiratoire syncytial (VRS), adénovirus, métapneumovirus...). En pratique, on y recourt de façon de plus en plus systématique en réanimation lors d’infections respiratoires. En pneumologie, ils sont assez largement utilisés chez les patients immunodéprimés ou atteints de BPCO. « Ils permettent, quand on retrouve une infection virale, de limiter la prescription d’antibiotique, réduire le spectre de l’antibiothérapie utilisée voire même carrément d’éviter toute prescription antibiotique si l’on peut exclure une infection ou surinfection bactérienne associée », précise-t-il.
« Nous avons, d’autre part, un biomarqueur plus spécifique que la CRP pour orienter le diagnostic vers une infection bactérienne. Ce marqueur sérique, la procalcitonine, a une cinétique bien plus favorable et une meilleure sensibilité », complète le Dr Messika. Son taux s’élève en effet plus précocement lors d’infection bactérienne et décroît rapidement en réponse au traitement : « une étude randomisée française a montré que son suivi permet de réduire en moyenne de plus de 2 jours la durée des traitements antibiotiques en réanimation » (1).
Désescalade, moins de bithérapies
« La réévaluation précoce et la désescalade rapide, d’autant plus si une documentation microbiologique est obtenue, sont primordiales, explique le Dr Messika. La réévaluation à 48-72 heures pousse en outre les cliniciens à une réflexion sur le bien-fondé de l’antibiothérapie. C’est une pratique qu’il faut acquérir tôt et des efforts sont faits dans la formation des jeunes médecins ».
« Nous travaillons aussi sur les prescriptions de bithérapie pour pneumopathies. Un certain nombre de bithérapies initiées aux urgences ne se justifient pas. C’est un des axes d’amélioration simple dans nos services », complète-t-il.
« Quant à la durée de l’antibiothérapie des pneumonies communautaires, elle reste en référence fixée à 7 à 10 jours, mais la tendance actuelle est au raccourcissement à 7 jours et il est probable qu’à l’avenir on s’achemine vers des durées encore plus courtes », selon le Dr Messika.
Les antibiotiques c’est pas automatique: aérosols, antiviraux, bactériophages...
« Utilisés depuis longtemps dans la mucoviscidose, les antibiotiques en aérosol pourraient venir élargir l’arsenal thérapeutique dans les infections respiratoires. Si les études sont probantes, la délivrance locale, en aérosol, aura l’avantage de réduire l’exposition systémique et donc la sélection de bactéries résistantes », espère le Dr Messika.
Le développement d’antiviraux (notamment contre le VRS, très prometteur) pourrait aussi permettre à l’avenir de réduire les hospitalisations pour bronchiolites chez les enfants. Et avoir une place chez les sujets âgés fragiles hospitalisés pour infection respiratoire.
Enfin, dans les pneumonies nosocomiales, les réanimateurs tentent de trouver des alternatives aux antibiotiques. « Des données expérimentales de chercheurs français sont très encourageantes sur les bactériophages », complète le Dr Messika (2). Ils seraient aussi efficaces que les antibiotiques dans les pneumonies à E. coli. Enfin, l’utilisation de dérivés de la Canneberge diminue la colonisation oropharyngée et la virulence de ces bactéries en prévention des pneumonies acquises sous ventilation (3).
Entretien avec le Dr Jonathan Messika (CHU Louis Mourier), pneumologue, réanimateur, coordonnateur de la commission antibiotique de l’établissement et membre du groupe pour la recherche et l’enseignement en pneumo-infectiologie de la SPLF.
(1) Bouadma L et al. Lancet 2010;375:463-74
(2) Dufour N et al. Treatment of highly virulent extra-intestinal pathogenic E coli pneumonia with bacteriophages. Critical Care Medicine, Sous presse.
(3) Margetis D et al. Proanthocyanidin effects on adhesion, growth and virulence of highly virulent extraintestinal pathogenic Escherichia coli argue for its use to treat oropharyngeal colonization and prevent ventilator-associated pneumonia. Critical Care Medicine, Sous presse.
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