Mal contrôlé par le traitement habituel avec corticoïde inhalé

L’asthme hyperéosinophilique, une forme très particulière de la maladie

Publié le 14/06/2011
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Crédit photo : PHANIE

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À partir de quand ?

La présence d’éosinophiles en quantité modérée dans la paroi bronchique des patients atteints d’asthme ou la présence d’une petite éosinophilie sanguine (0,5 g/L) est relativement banale chez des asthmatiques allergiques. À partir de quand peut-on parler d’asthme hyperéosinophilique ?

Il n’existe pas de définition établie de l’« asthme hyperéosinophilique », mais il se caractérise par l’association d’un asthme, d’une hyperéosinophilie sanguine élevée (1 g/L, et surtout› 1,5 g/L), et/ou au lavage bronchoalvéolaire (25 % et surtout› 40 %). Dans ce contexte précis, le bilan étiologique d’éosinophilie est négatif, et une atopie n’est pas toujours mise en évidence. L’asthme hyperéosinophilique est souvent un asthme difficile, parfois tardif, nécessitant des doses élevées de corticoïdes inhalés, voire une corticothérapie orale au long cours.

Radiographie

Une radiographie pulmonaire est-elle nécessaire et pourquoi ?

Dans l’asthme simple, la radiographie pulmonaire est normale ou peut montrer une distension thoracique modérée. Dans l’asthme hyperéosinophilique, des infiltrats pulmonaires doivent être recherchés afin de ne pas méconnaître une pneumopathie à éosinophiles. La tomodensitométrie permet alors de préciser la nature et l’étendue de l’atteinte. La fibroscopie avec lavage bronchoalvéolaire met en évidence une alvéolite à éosinophiles (25 %).

Causes

Quelles sont les causes de pneumopathie à éosinophiles ?

L’interrogatoire et les investigations radiocliniques recherchent une cause déterminée. Une origine médicamenteuse doit être systématiquement recherchée : des manifestations asthmatiques peuvent accompagner des pneumopathies à éosinophiles d’origine iatrogénique (minocycline, carbamazépine, sulfalazine, lévofloxacine). L’arrêt du médicament permet la disparition des symptômes et des opacités radiologiques.

L’hyperéosinophilie au cours des infections parasitaires peut être très élevée, notamment dans les filarioses (Wuschereria bancrofti, Brugia malayi) transmises par des moustiques, principalement en Inde, Bangladesh, Nigeria, Indonésie, Amérique centrale et du Sud. Le syndrome de Löffler (lié à l’infection par Ascaris), l’anguillulose, le syndrome de larva migrans (Toxocara canis) peuvent se manifester par des tableaux évocateurs d’asthme, associés à une hyperéosinophilie.

L’aspergillose bronchopulmonaire allergique s’observe chez des patients asthmatiques (avec une prévalence faible, inférieure à 5 %) et les patients atteints de mucoviscidose. Elle correspond à une réponse à la fois allergique et immune aux antigènes d’Aspergillus fumigatus présent dans les voies aériennes. Elle se traduit à l’imagerie par des opacités infiltrantes et surtout, au stade chronique, par des bronchectasies proximales. Le traitement vise à contrôler l’inflammation et les réactions immunes par une corticothérapie, et à diminuer la charge antigénique par un traitement antifongique (itraconazole). D’autres agents fongiques ou des levures peuvent, beaucoup plus rarement, occasionner un tableau du même type.

Et si cette recherche étiologique est négative ?

La pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles (PCIE) survient deux fois plus souvent chez la femme que chez l’homme, et la majorité des patients sont non-fumeurs. Le diagnostic est retenu devant l’association d’infiltrats pulmonaires, à prédominance périphérique, associés à une éosinophilie sanguine et/ou alvéolaire, d’évolution chronique. Le début est subaigu associant symptômes respiratoires et signes généraux marqués, avec asthénie souvent majeure, et amaigrissement de plusieurs kilogrammes. Il n’y a pas de manifestations systémiques à éosinophiles. L’asthme précède la PCIE dans la majorité des cas, mais il peut en être contemporain (20 %), ou se développer dans les suites. L’imagerie pulmonaire montre des opacités alvéolaires périphériques et sous-pleurales à type de condensation avec bronchogramme aérique, bilatérales, parfois migratrices. L’éosinophilie sanguine est élevée (5 à 6 g/L), associée à une éosinophilie alvéolaire de l’ordre de 60 %. L’amélioration clinique sous corticoïdes par voie générale est spectaculaire en moins de 24 heures, avec disparition très rapide de l’éosinophilie sanguine et des signes généraux, puis des opacités radiologiques en quelques jours. Les rechutes sont fréquentes lors de la décroissance ou à l’arrêt de la corticothérapie, conduisant à maintenir une posologie, généralement faible (10 mg de prednisone) de corticoïde, pendant plusieurs mois ou années.

Autres atteintes

En présence d’un asthme hyperéosinophilique, faut-il rechercher d’autres atteintes hyperéosinophiliques ? Lesquelles ?

Dans les asthmes hyperéosinophiliques, un examen clinique précis doit rechercher des atteintes extra-thoraciques, notamment ORL (sinusite, polypose nasosinusienne), ainsi qu’au niveau de tous les organes susceptibles d’être atteints par une infiltration tissulaire éosinophilique.

Le syndrome de Churg et Strauss est une vascularite granulomateuse éosinophilique systémique, qui survient autour de 50 ans, chez des sujets asthmatiques. Trois phases se succèdent classiquement, mais elles peuvent se télescoper ou être initialement méconnues (rhinite « allergique » et sinusite ; asthme ; éosinophilie sanguine et tissulaire). L’asthme est toujours présent, sévère et il devient rapidement très corticodépendant. La vascularite systémique associe signes généraux, myalgies et polyarthralgies, atteinte de divers organes (multinévrite, atteinte cutanée, gastro-intestinale, oculaire). L’atteinte cardiaque (myocardite à éosinophiles), est souvent asymptomatique mais constitue le facteur péjoratif majeur du pronostic (elle doit être recherchée attentivement car la myocardite à éosinophiles peut conduire à une insuffisance cardiaque sévère).

L’imagerie retrouve des infiltrats pulmonaires dans la moitié des cas. L’éosinophilie sanguine est souvent très élevée (8 g/L en moyenne). Des anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont mis en évidence dans un tiers des cas, de type plus souvent périnucléaire que cytoplasmique en immunofluorescence, avec une spécificité pour la myéloperoxydase (MPO).

Le traitement repose sur la corticothérapie par voie générale, associée aux immunosuppresseurs dans les formes graves.

Syndrome hyperéosinophilique

Qu’est ce que le syndrome hyperéosinophilique ? S’accompagne-t-il généralement d’asthme ?

Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique se définit par l’existence d’une hyperéosinophilie supérieure à 1,5 g/L, persistant plus de six mois, et s’accompagnant de manifestations viscérales (mais il n’y a pas de vascularite). Des manifestations asthmatiques peuvent très rarement être observées, mais ne constituent pas un symptôme majeur. Deux variants de la maladie sont identifiés : variant lymphoïde (où une population monoclonale de lymphocytes T produit des cytokines actives sur les éosinophiles comme l’interleukine 5) ou variant myéloprolifératif lié à une tyrosine kinase résultant de la fusion de deux gènes.

Que retenir en pratique ?

Devant tout « asthme difficile » mal contrôlé par le traitement habituel avec corticoïde inhalé, une hyperéosinophilie doit être recherchée. Cette recherche doit s’effectuer à distance d’une corticothérapie par voie générale qui fait rapidement chuter (en moins de 24 heures ) le taux d’éosinophiles.

La découverte d’une hyperéosinophilie doit faire rechercher des causes dont le traitement étiologique pourrait agir sur l’hyperéosinophilie et l’asthme : une cause médicamenteuse, une aspergillose bronchopulmonaire allergique, une parasitose.

L’asthme hyperéosinophilique associé à une PCIE ou un syndrome de Churg et Strauss nécessite une corticothérapie orale prolongée.

 Dr NATHALIE FREYMOND  Pr JEAN-FRANÇOIS CORDIER Service de pneumologie, Centre de référence national des maladies pulmonaires rares, hôpital Louis-Pradel, 69677 Lyon (Bron) Cedex

Source : Le Quotidien du Médecin: 8981