Pendant la grossesse, environ un tiers des asthmes reste stable, un tiers s’améliore et un tiers s’aggrave. Problème, encore trop de femmes asthmatiques arrêtent leur traitement lorsqu’elles apprennent qu’elles sont enceintes, par peur de prendre un médicament néfaste pour le fœtus. La présence d’un pictogramme, indiquant que c’est potentiellement dangereux chez la femme enceinte sur les boîtes de médicaments antiasthmatiques, rajoute de la confusion. « C’est d’autant plus déplorable que cela ne repose sur aucune étude scientifique mais sur la seule volonté de certains laboratoires de se protéger sur le plan médicolégal », déplore la Dr Nocent-Ejnaini, pneumologue-allergologue au Centre hospitalier de la Côte Basque à Bayonne. Au moindre doute, il n’y a qu’un réflexe à avoir : aller sur le site de référence du Crat, le Centre de référence sur les agents tératogènes, de l’hôpital Trousseau à Paris (1). Il suffit de rentrer le nom du médicament pour s’assurer de l’absence de risque à le prendre pendant la grossesse.
Pas de changement lorsque l’asthme est stable ou amélioré
Étant en première ligne, les généralistes doivent rappeler à leurs patientes qu’il n’y a surtout pas lieu d’arrêter leur traitement de l’asthme (ni celui des allergies en cas d’asthme allergique), bien au contraire. « Tous les traitements utilisés dans l’asthme, à l’exception de certaines biothérapies pour lesquelles on manque encore de recul (mais qui ne sont de toute façon prescrites que pour des asthmes sévères suivis par des spécialistes), ne posent aucun problème : il ne faut ni les arrêter, ni modifier les posologies, si l’asthme est bien stabilisé avec, insiste la Dr Nocent-Ejnaini. Une grossesse ne durant que quelques mois, on ne change pas non plus le traitement si l’asthme semble s’améliorer avec la grossesse. Diminuer les posologies exposerait alors au risque de dégrader l’asthme, de perdre son contrôle et de faire souffrir le fœtus ».
En revanche, c’est un bon moment pour reparler de sevrage tabagique (ou du cannabis), alors qu’il y a autant de fumeuses chez les asthmatiques que chez les femmes indemnes. Et les femmes sont plus réceptives au sevrage pendant leur grossesse. « Elles acceptent plus volontiers de rencontrer un tabacologue, confirme la Dr Nocent-Ejnaini. De même, si elles ne sont pas suivies régulièrement en pneumologie, ce peut être l’occasion de leur proposer des Épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR). On s’abstiendra en revanche de pratiquer un bilan allergologique (au nom du principe de précaution et parce qu’il n’y a pas d’urgence), sauf s’il y a une suspicion d’allergie aux anesthésiques locaux, pour ne pas priver inutilement la femme d’un accouchement sous péridurale. »
Enfin, si la femme enceinte ne se savait pas asthmatique, il est possible au moindre doute, de demander des EFR à tout moment de la grossesse et/ou de mettre en route un traitement par corticoïdes inhalés pour voir si les symptômes s’améliorent : « c’est sans risque », insiste la Dr Nocent-Ejnaini.
Prise en charge en urgence si l’asthme s’aggrave
L’idéal serait que toute femme asthmatique prenne rendez-vous chez un pneumologue dès le premier trimestre de sa grossesse pour bilan, suivi et EFR en particulier autour du 7e mois (d’autant que les EFR intéressent aussi l’anesthésiste, qui sera présent lors de l’accouchement). Le risque d’exacerbation de l’asthme est surtout accru au 2e trimestre. « Si l’asthme s’aggrave, la prise en charge est la même que pour une asthmatique non enceinte, à savoir, augmentation de la dose des corticoïdes inhalés et si besoin, ß2 de longue durée d’action. Or malheureusement, du fait de leur grossesse, certaines femmes reçoivent une dose inférieure à ce qu’elles devraient, d’où un risque accru de récidive d’exacerbation et d’hypoxie pour le fœtus ».
En cas d’exacerbation de l’asthme ou si celui-ci n’est pas contrôlé, il peut y avoir à la fois des complications maternelles (hypertension gravidique, hémorragie) et fœtales : petit poids de naissance, prématurité, etc. Il est donc essentiel de traiter.
Une fois l’accouchement passé, comme il faut à peu près trois mois pour que l’état respiratoire revienne à sa base, le traitement est conservé pendant cette période. « Il n’y a aucun risque en cas d’allaitement. Si le traitement avait été majoré pendant la grossesse mais qu’ensuite, l’asthme revient à son niveau antérieur, il sera possible de le baisser à nouveau à partir du 4e mois après l’accouchement », explique la Dr Nocent-Ejnaini.
Entretien avec la Dr Cécilia Nocent-Ejnaini, pneumologue-allergologue au Centre hospitalier de la Côte Basque à Bayonne (1) www.lecrat.fr
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