Il existe aujourd’hui de nombreuses données venant documenter l’effet de l’environnement sur le développement de l’asthme et alimenter l’hypothèse hygiéniste. Notamment le fait que grandir à la ferme réduit le risque de développer un asthme ou que les enfants nés par césarienne présentent un risque accru d’asthme, possiblement lié au défaut d’ensemencement microbien intestinal. Plusieurs études ont par ailleurs pointé un surrisque d’asthme associé à la consommation d’antibiotique. C’est pourquoi, même si le développement de l’asthme est lié à de multiples facteurs, on peut se demander si le recul récent de l’asthme, enregistré dans certaines régions, n’est pas en rapport avec une utilisation plus raisonnée des antibiotiques chez les tout-petits. C’est ce qu’a exploré une équipe canadienne à travers une étude en population, une cohorte prospective et une étude de microbiote (1).
+ 10 % d’antibiothérapie avant un an associé à + 25 % d’incidence d’asthme
À partir des données en population (4,7 millions de personnes), les auteurs ont étudié sur 15 ans l’évolution de l’incidence annuelle d’asthme chez les enfants d’un à quatre ans et celle des prescriptions d’antibiotiques avant l’âge d'un an. Ce travail met en évidence un recul de l’asthme. Entre 2000 et 2014 chez les un à quatre ans, son incidence est passée de 27,3 à 20,2 pour 1000 enfants. Soit une réduction relative de 26 %. Dans le même temps, le recours aux antibiotiques a nettement décru. Il est passé de 1 254 à 489 prescriptions pour 1 000 enfants de moins d'un an. Après ajustement sur les facteurs de risque connus comme le sexe, la pollution, la naissance par césarienne, etc., les auteurs estiment que, d’après ces données, une augmentation de 10 % des prescriptions antibiotiques avant un an est liée à une augmentation de 25 % d’asthme des un à quatre ans. « C’est une relation qui paraît très forte. Elle offre donc des opportunités pour contrer l’épidémie d’asthme dans les régions où l’on peut sans crainte réduire le taux d’antibiothérapie », commentent les auteurs.
L’antibiothérapie avant un an double le risque d’asthme à cinq ans
Pour réduire les biais d’analyse, notamment l’impact des infections virales pourvoyeuses potentielles d’antibiothérapie mais aussi peut-être elles-mêmes facteurs d’asthme, les auteurs ont étudié une cohorte prospective (Child) en écartant les prescriptions d’antibiotiques pour symptômes respiratoires. Dans cette cohorte de plus de 2 500 enfants recrutés à la naissance, l’association entre prescription antibiotique avant l’âge de 1 an et la présence d’un asthme à cinq ans est importante. Globalement, l’antibiothérapie avant un an est associée à un doublement du risque d’asthme à cinq ans (RR ajusté = 2,15). Et cela de façon dose-dépendante puisque 5 % des enfants qui n’en ont jamais reçu sont asthmatiques (2 182 enfants) contre 8 % de ceux qui ont reçu un traitement antibiotique (284 enfants), 10 % de ceux qui ont reçu deux traitements (49 enfants) et 18 % de ceux qui ont reçu plus de deux fois des antibiotiques avant un an. « Manifestement, plus le recours aux antibiotiques est important, plus le risque d’asthme croit », estiment les auteurs.
Un effet médié par le microbiote ?
Dans cette même cohorte, le microbiote des selles de près de 1 000 enfants de moins d'un an a été analysé par séquençage 16S rRNA. Les données montrent qu’une grande diversité du microbiote était associée à une réduction du risque d’asthme de 30 % à cinq ans. « Cette biodiversité, réduite par l’exposition aux antibiotiques, pourrait donc être largement impliquée dans l’interrelation entre asthme et exposition précoce aux antibiotiques. D’autant que la flore des enfants exposés aux antibiotiques contenait en particulier moins de bactéries stimulant potentiellement le système immunitaire », résument les auteurs « Sans compter que la composition de la flore est dynamique et se modifie très rapidement au cours de la première année, une année cruciale dans la maturation du microbiote », rappelle l’éditorial associé à cette publication (2).
(1) Patrick DM et al. Decreasing antibiotic use, the gut microbiota, and asthma incidence in children: evidence from population-based and prospective cohort studies. Lancet Respiratory Med 2020; DOI:https://doi.org/10.1016/S2213-2600(20)30052-7
(2) Stokholm J. Can perturbations in microbial maturation cause asthma? Lancet Respiratory Med 2020; DOI:https://doi.org/10.1016/S2213-2600(20)30002-3
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