Ce projet de recherches autour de la grossesse chez des femmes atteintes de pneumopathie interstitielle diffuse (PID) vous tient à cœur. Quelle est la situation actuelle ?
Les pneumopathies interstitielles diffuses (PID) ne sont pas rares chez les femmes en âge de procréer. Un travail du service de pneumologie de l'hôpital Avicenne a ainsi mis en évidence, dans la région Seine-Saint-Denis, que les PID liées aux connectivites – qui touchent souvent des femmes jeunes – sont fréquentes, de même que la sarcoïdose, laquelle concerne autant les femmes que les hommes avec une incidence plus élevée chez les sujets jeunes. Tout praticien est confronté un jour ou l'autre à savoir quand, chez qui et comment autoriser ou non la grossesse chez ces patientes, avec toutes les implications psychologiques et familiales que cela peut avoir.
Que sait-on sur les grossesses survenant chez des femmes atteintes de fibroses pulmonaires ?
On sait que certaines femmes mènent une grossesse malgré une maladie pulmonaire fibrosante, mais on n'a pas de vue globale sur le déroulement de celle-ci, ni sur le devenir des femmes et de l'enfant. Certaines maladies auto-immunes, des connectivites, ou encore la sarcoïdose, peuvent être bien contrôlées pendant la grossesse puis se réactiver au décours de l'accouchement. On sait, d'après la littérature, que les femmes atteintes de lymphangioléiomyomatose (LAM) peuvent avoir une poussée en péripartum.
L'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) contre-indique clairement la grossesse.
Certaines patientes ayant une fibrose la mènent à bien, mais dans quelles conditions ? Lesquelles doivent avoir un bilan prégreffe pour se préparer à une transplantation pulmonaire en extrême urgence ? Il est indispensable que nous puissions recueillir l'expérience des praticiens avec les femmes en âge de procréer atteintes de fibrose pulmonaire, quelle qu'en soit l'étiologie, et que nous répertoriions les grossesses menées dans ces situations.
Comment envisager le suivi de ces grossesses ?
Le devenir à la fois de la grossesse et de la PID pose des questions très concrètes : pour l'évaluation de la maladie, le test de marche des 6 minutes (TM6) est-il pertinent ? À quelle fréquence ? Pour l'oxygénothérapie, l'organisation du péripartum et la prise en charge de l'enfant – souvent de faible poids et né avant terme, avec des répercussions qu'il faudra analyser en collaboration avec les services de gynéco-obstétrique et de pédiatrie.
Il est essentiel d'anticiper ces situations et de les encadrer au mieux avec des explorations fonctionnelles respiratoires complètes, intégrant une échographie cardiaque, un TM6 et éventuellement une épreuve d'effort avant la grossesse.
Comment gère-t-on la question de la fertilité ?
Cette question est essentiellement liée aux traitements par immunosuppresseurs mais elle va se poser avec d'autant plus d'acuité si on envisage de traiter par antifibrosants des femmes jeunes atteintes de PID liées aux connectivites. La préservation de la fertilité se fait en collaboration avec les CECOS. On propose, chez l'homme, la conservation de gamètes ; la situation est plus complexe chez la femme, la vitrification des ovocytes étant moins répandue.
La stimulation ovarienne est contre-indiquée dans certaines situations comme les LAM.
Là encore, en l'absence de consensus ou de recommandations sur le sujet, chacun se trouve très isolé devant la décision à prendre et il serait intéressant de savoir ce qui se pratique dans les différents services de pneumologie vis-à-vis de la contraception et de la préservation de la fertilité.
Tout semble se construire autour de cette problématique. Quelles démarches envisagez-vous ?
Il faut sensibiliser les pneumologues à cette question et les solliciter pour que chacun participe à la constitution d'un registre des patientes en âge de procréer atteintes de pathologies pulmonaires fibrosantes. Ceci afin de réunir leurs expériences sur la fertilité et la contraception, le désir de grossesse, l'autorisation ou la contre-indication de la grossesse, le suivi de la femme enceinte et de l'enfant. L'objectif est d'en retirer des leçons et d'établir des recommandations pour ne plus se retrouver isolé devant ces situations.
L'idée de ce registre a été exposée au groupe « Femme et poumon » de la SPLF, avec déjà un sondage auprès des pneumologues pour connaître le nombre de cas rencontrés dans leur pratique avant de commencer un registre. On conviendra, avec un comité scientifique, de ce qu'on proposera comme éléments d'évaluation à partir desquels on envisagera des travaux plus prospectifs, qu'on soumettra au réseau ORPHA-LUNG avec l'appui du Centre de référence des maladies pulmonaires rares.
Nous devons absolument nous fédérer autour de cette problématique, considérée comme un épiphénomène alors qu'il s'agit de situations dramatiques.
(1) Olson AL, Gifford AH, Inase N, et al. European Respiratory Review 2018 27: 180077; DOI: 10.1183/16000617.0077-2018
Entretien avec le Dr Yurdagül Uzunhan, service de pneumologie, hôpital Avicenne, Centre de référence des maladies pulmonaires rares, site constitutif et centre de compétence des maladies auto-immunes et systémiques rares.
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