DEPUIS LE début des années 1950 toutes les techniques de chirurgie trachéale ont été parfaitement standardisées et les problèmes résolus, en particulier grâce aux travaux de l’équipe du Pr Hermes Grillo à Boston aux États-Unis. Aujourd’hui, persiste le challenge du traitement des lésions étendues à plus de la moitié de la longueur de la trachée. Dans ces situations, l’anastomose directe termino-terminale des deux segments de trachée restant après résection est impossible, faisant apparaître la nécessité d’un substitut. Une multitude de travaux ont été réalisés chez l’animal depuis 50 ans, afin de trouver le substitut idéal. À l’heure où l’on parvient à greffer la plupart des organes du corps humain, le remplacement trachéal reste un défi chirurgical mais aussi biologique, afin que le greffon s’incorpore à la trachée.
Les principales indications sont les cancers étendus de la trachée. Ces cancers, en particulier les carcinomes adénoïdes kystiques, s’ils sont peu fréquents (environ une centaine de nouveaux cas par an), touchent des sujets jeunes et sont le plus souvent diagnostiqués à un stade trop tardif pour être une indication à la chirurgie curative.
Greffes ou prothèses : les différentes voies de recherche.
Cinq voies de recherche ont été approfondies ces dernières années, avec beaucoup d’obstacles rencontrés. L’utilisation de prothèses synthétiques s’est heurtée à un échec d’application chez l’homme, du fait principalement de l’absence de biocompatibilité entre la prothèse et le milieu trachéal en communication avec le milieu extérieur, favorisant le développement d’infections. Le problème de l’intégration au tissu environnant expose au risque de complications gravissimes, comme des érosions ou des hémorragies. Peu d’études concernent les bioprothèses. Cette technique, dérivée des bioprothèses cardiaques, a tenté d’utiliser des bioprothèses trachéales traitées chimiquement ou par cryoconservation, mais n’a pu aboutir qu’à un tissu cicatriciel non fonctionnel.
La voie des greffes de trachées a été explorée depuis plus de 40 ans. L’allogreffe trachéale expose au problème majeur de l’immunosupression, qui en contre-indique l’utilisation chez les patients atteints de cancers. Le deuxième obstacle concerne la préservation du cartilage, tissu fragile supportant mal les différentes techniques de conservation. De plus, les difficultés de revascularisation du greffon sont responsables de complications à type de nécroses ou de sténoses, et conduisent à l’obtention d’un tissu peu fonctionnel. Dans la voie de l’autogreffe, beaucoup de tissus ont été évalués (peau, sophage, intestin, vessie…). Si certains travaux ont débouché sur des succès chez l’animal, la complexité des interventions chirurgicales les rend inapplicables à l’homme.
La cinquième voie, plus récente, est représentée par les techniques d’ingénierie tissulaire, actuellement en développement, avec des tentatives de reconstruction cartilagineuse in vitro. Une application chez l’homme a été réalisée à ce jour sur une sténose tuberculeuse. Les résultats doivent être confirmés à plus long terme. Les limites de cette technique, pour des patients atteints de cancer, sont que le temps d’obtention du greffon est long, environ 4 mois, et qu’elle nécessite d’utiliser les cellules respiratoires du malade pour ensemencer le greffon.
Régénération cartilagineuse sur greffon aortique.
Depuis 10 ans, l’équipe du Pr Martinod travaille dans le laboratoire du Pr Carpentier (laboratoire de recherche biochirurgicale, université Paris-Descartes, fondation Alain Carpentier, APHP) sur une technique de remplacement trachéal par greffon aortique, en utilisant une endoprothèse provisoire pour rigidifier le greffon. La faisabilité de l’intervention a été testée chez l’animal, au départ avec une autogreffe, puis avec une allogreffe fraîche et cryopréservée, avec l’obtention d’une bonne survie et d’une régénération de l’épithélium et du cartilage. Il a été constaté que cette régénération ne s’opère pas à partir du segment d’aorte greffé mais à partir de cellules du receveur, et probablement à partir de cellules souches comme cela a été montré pour d’autres tissus (cur, foie).
L’application chez l’homme fait l’objet d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national débuté en 2005, pour le traitement des cancers étendus de la trachée. Six malades ont été opérés avec une durée moyenne de suivi de 32 mois. Aujourd’hui, quatre de ces patients sont vivants et trois ont pu reprendre une activité presque normale. L’application à l’homme a cependant montré que, si la régénération de l’épithélium se fait correctement, celle du cartilage est beaucoup plus lente que chez l’animal, et aucune ablation d’endoprothèse n’a pu être réalisée à ce jour, même avec deux ou trois ans de recul.
Il convient désormais de retravailler sur la régénération cartilagineuse in vitro et chez l’animal, afin de mieux en comprendre les processus et d’améliorer la technique, qui a cependant déjà apporté des résultats encourageants chez des patients jeunes en impasse thérapeutique. Le développement d’un véritable substitut pourrait permettre d’élargir les indications du remplacement trachéal à d’autres indications.
D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Martinod, chirurgien thoracique et vasculaire à l’hôpital Avicenne, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, à Bobigny, université Paris XIII.
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