Covid-19 : exit les corticoïdes inhalés dans les formes modérées à légères

Par
Publié le 27/10/2023
Article réservé aux abonnés
Une étude randomisée versus placebo menée en double aveugle clôt le débat : même à une dose correcte, les corticoïdes inhalés ne présentent pas d’intérêt face aux symptômes de Covid… du moins dans une population tout-venant : relativement jeune, vaccinée et peu comorbide.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Plusieurs essais se sont intéressés au bénéfice éventuel des corticoïdes inhalés dans l’infection à Covid-19 d’intensité légère à modérée, avec des résultats hétérogènes. Résultat, ce bénéfice reste très discuté et le traitement non recommandé. Un nouvel essai, mené à bonne dose, en double aveugle avec de la fluticasone dans une population peu comorbide, largement vaccinée, ne retrouve pas de bénéfice. La récupération n’est en effet pas plus rapide. On peut donc en conclure que, dans une population symptomatique tout-venant, ce traitement ne présente pas d’intérêt.

Recherche de traitements tous azimuts

Aux États-Unis, le National Health Institue (NHS) a mis en place un programme décentralisé destiné à tester des molécules connues et peu coûteuses dans les formes légères de Covid-19. Ce programme, Activ-6, a déjà montré que ni les antiparasitaires de type ivermectine, ni les antidépresseurs de type fluvoxamine n’apportaient de bénéfice versus placebo. C’était au tour des glucocorticoïdes inhalés. Malheureusement à nouveau, on n’entrevoit pas de bénéfice, voire une tendance néfaste. Ce qui pourrait clore le débat sur l’intérêt des corticoïdes inhalés dans les formes légères à modérées.

Cette étude américaine décentralisée (menée sur 91 sites) a recruté un peu plus de 1 400 patients de plus de 30 ans infectés non hospitalisés présentant au moins deux symptômes, entre août 2021 et février 2022, soit dans un moment où l’épidémie était dominée par les souches delta et omicron (BA.1.1) et les patients étaient assez largement vaccinés.

Ces sujets ont 45 ans d’âge médian. Plus de 60 % sont des femmes. Une large majorité est blanche (80 %). Ils présentent assez peu de comorbidités. On est à 10 % de diabétiques, 26 % d’hypertendus et 13 % d’asthmatiques. Ils sont néanmoins largement en surpoids, avec un IMC médian de 28 kg/m² et 40 % d’obèses. Parmi eux, plus deux tiers (65 %) étaient vaccinés (deux doses de vaccin).

Le traitement institué en double aveugle contre placebo après randomisation devait intervenir au plus tard dans les 7 jours après le début des symptômes. Le délai médian est de 6 jours. Il est fondé sur une inhalation de fluticasone à la dose de 200 μg/j, en une prise durant 14 jours.

Le critère primaire est le délai avant récupération, celle-ci étant définie par trois jours consécutifs sans symptômes. Les consultations aux urgences, les hospitalisations et les décès dans les 28 jours constituent les critères secondaires.

Aucun bénéfice

Dans cet essai Activ-6, le traitement n’est pas associé à une récupération plus rapide (RR = 1,01 [0,91-1,12]). Sans atteindre la significativité, on observe même une tendance à plus de consultations aux urgences ou hospitalisations dans le bras traité (3,7 vs 2,1 %) ; avec toutefois seulement 3 hospitalisations en valeur absolue, et aucun décès dans chaque groupe.

Des résultats cohérents… dans la population cible

Trois essais randomisés, dont deux en double aveugle menés sur des patients quasiment pas vaccinés, avec du ciclésonide à la dose de 640 μg/j, n’avaient précédemment pas non plus mis en évidence de bénéfice.

Au contraire, deux essais randomisés, dont l’essai Principle, testant du budésonide à la dose de 800 μg/x2j, avaient montré une réduction du temps de récupération et une tendance à une réduction des hospitalisations et décès.

Pourquoi une telle différence de résultats ? Pour rappel, l’étude Principle portait sur des sujets généralement non vaccinés mais surtout bien plus âgés (plus de 65 ans) et/ou comorbides (plus de 50 ans plus comorbidité), avec un âge moyen situé autour de 65 ans. Ces différences peuvent avoir affecté la puissance de l’essai.

Néanmoins, pour les auteurs, malgré les limitations propres à cet essai, le fait qu’il ait été réalisé à bonne dose, en double aveugle, sur une population largement vaccinée et quasi tout-venant suggère qu’en pratique clinique il n’y a globalement pas lieu d’administrer de corticoïde inhalé lors d’une infection à Covid-19 en ville.

(1) DR Boulware et al. Inhaled Fluticasone Furoate for Outpatient Treatment of Covid-19. N Engl J Med. 2023 Sep 21;389(12):1085-95

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr