Asthme sévère : une nouvelle classe thérapeutique à l’horizon

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Publié le 18/06/2021

Le tezepelumab, un anti-TSLP fait ses preuves en phase III, notamment chez des sujets atteints d’asthme sévère non allergique et non hyperéosinophilique, jusqu’ici en impasse thérapeutique.

Crédit photo : phanie

Dans l’asthme sévère, qui touche environ 10 % des patients, les anti-IgE puis les anticytokines (anti-IL4, 5 et 13) ont permis d’améliorer le contrôle des patients. Mais, malgré ces progrès thérapeutiques, certains asthmes restent incontrôlés, en particulier les asthmes sévères non allergiques et non hyperéosinophiliques.

Chez ces sujets, une classe thérapeutique originale pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Son premier représentant, le tezepelumab, un anticorps monoclonal ciblant une cytokine d’origine épithéliale – la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) –, s’est avéré capable de réduire les exacerbations et d’améliorer la fonction pulmonaire d’asthmes sévères non contrôlés, dans une étude de phase III, y compris en absence d’hyperéosinophilie : étude Navigator (1).

Une étude randomisée de phase III en double aveugle d’un an

L’étude Navigator est une étude multicentrique de phase III contre placebo menée en double aveugle. Elle porte sur des adultes et des adolescents ([12-80] ans) présentant un asthme sévère non contrôlé sous haute à moyenne dose de corticoïdes inhalés combinés à au moins un autre traitement, avec ou sans corticothérapie orale.

Parmi ces patients, un peu plus de la moitié n’ont pas d’hyperéosinophilie (≥ 300/µl).

Les patients devaient rester sous leur traitement habituel toute la durée de l’essai. Le recours aux bêta-2 agonistes de courte durée d’action était autorisé. À ce traitement « standard » a été ajouté le tezepelumab (210 mg en SC toutes les 4 semaines) ou le placebo.

La durée du traitement était de 1 an, précédé de 6 semaines de triage. Les patients ont en outre été suivis 3 mois après l’arrêt. Le critère primaire d’efficacité est le taux annuel d’exacerbation durant l’essai. Les critères secondaires comprennent notamment l’évolution du FEV1 et de la qualité de vie.

Au total, un peu plus de 1 000 patients ont été randomisés après une revue de 2 400 patients. Ils ont 50 ans d’âge moyen, un tiers sont de sexe masculin. Ils sont en majorité sous hautes doses de corticoïdes inhalés (75 %) et près de 10 % sont sous corticothérapie générale. Leur FEV1 initiale est autour de 63 %. Plus de la moitié ont un FeNO élevé (60 % ≥ 25 ppb), 40 % ont une hyperéosinophilie (≥ 300 cellules/μl). Leur taux d’Ig E médian est à 200 UI/ml.

Effet favorable dans tous les sous-groupes sur les exacerbations

Globalement, l’adjonction de tezepelumab réduit de plus de moitié le taux annuel d’exacerbations. On est à 0,93 exacerbation/an sous tezepelumab versus 2,1 sous placebo (RR = 0,44 [0,37-0,53] ; p < 0,001). Le bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes. En particulier, dans les asthmes non associés à une hyperéosinophilie, où l’on est à 1,02, versus 1,73 exacerbation/an (RR = 0,59 [0,46-0,75] ; p < 0,001) quand, dans les asthmes à hyperéosinophilie, on est à 0,79 versus 2,66 exacerbations/an (RR = 0,30 [0,22-0,40]). C’est vrai aussi quels que soit le statut allergique vis-à-vis des allergènes perannuels et le taux de FeNO initial.

Amélioration précoce de la fonction pulmonaire

À un an, la FEV1 a évolué plus favorablement chez les patients sous tezepelumab. La FEV1 a progressé de 0,23 l versus 0,09 l (p < 0,001). Cet effet est précoce : il est observé dès la seconde semaine de traitement (FEV1 à S2) et se maintient dans le temps. Les scores de contrôle de l’asthme (ACQ-6), de qualité de vie (AQLQ) et le score clinique hebdomadaire médian (ASD) sont eux aussi meilleurs dans le bras sous tezepelumab.

Impacts clinique et biologique plaidant une activité inflammatoire large

Parallèlement à l’amélioration clinique sur tous les paramètres (FEV1, exacerbations…), le traitement par tezepelumab est associé à une diminution du taux d’éosinophiles et de la FeNO dès la seconde semaine, quand le taux d’IgE baisse pour sa part graduellement tout au long de l’étude. Cela suggère que la molécule agit sur plusieurs mécanismes inflammatoires et tend à valider l’hypothèse selon laquelle cibler TSLP a un effet plus large que cibler individuellement telle ou telle cytokine. Cela d’autant que le traitement semble à même de normaliser l’inflammation, indépendamment de l’éosinophilie.

(1) A Menzies‑Gow et al. Tezepelumab in Adults and Adolescents with Severe, Uncontrolled Asthma. NEJM 2021 ;384:1800-9

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr