Jusqu'à quel âge faut-il supplémenter les enfants en vitamine D, à quelle dose et à quelle fréquence ? En lien avec plusieurs sociétés savantes (1), la Société française de pédiatrie fait le point dans ses nouvelles recommandations, publiées dans « Archives de pédiatrie » en mars 2022 (2). Elle y précise également les apports en calcium préconisés.
« Les dernières recommandations dataient de 2012, mais elles étaient peu connues, notamment des médecins généralistes, et elles n'étaient donc pas utilisées en pratique quotidienne », constate auprès du « Quotidien » la Pr Justine Bacchetta du Centre de référence des maladies rares du calcium et du phosphate de Lyon, première autrice.
Dans ces nouvelles recommandations, « nous nous sommes davantage alignés sur les européennes qui préconisent une supplémentation quotidienne », rapporte la Pr Bacchetta. Toutefois, si sur le plan physiologique, l'intérêt d'une telle approche est démontré, elle n'est pas toujours facile à suivre en vraie vie. « En prenant en compte ces soucis d'observance, nous avons décidé de laisser la porte ouverte à la supplémentation intermittente », poursuit la pédiatre. Soit une ampoule de vitamine D tous les trois mois en population pédiatrique générale, ce qui était déjà recommandé en 2012.
Plus de différence de dose selon l'ethnie
Par ailleurs, la version de 2022 propose de baisser les doses de vitamine D chez les 0 à 2 ans, en appliquant les mêmes doses quels que soient l'ethnie de l'enfant et le type d'allaitement (maternel ou artificiel). « Trois essais randomisés ont montré que 400 UI par jour sont suffisantes pour tous les nourrissons afin de prévenir le rachitisme carentiel », précise la Pr Bacchetta.
Autre changement : « Alors qu'il était préconisé de suspendre la supplémentation entre 5 et 10 ans, période au cours de laquelle la croissance est un peu plus lente avec des besoins moins importants en vitamine D, nous la recommandons dorénavant en continu de 0 à 18 ans, car bien souvent, la supplémentation n'était pas reprise aux 10 ans de l'enfant », détaille la pédiatre.
Après l'âge de deux ans, certains facteurs de risque - obésité, ethnie noire, absence d'exposition de la peau au soleil ou régime végétalien - doivent amener à doubler les doses. « Pour les patients avec maladie chronique, nous laissons les spécialistes d'organes assurer le suivi et adapter les doses en fonction de leurs propres recommandations », indique la Pr Bacchetta.
Trois à quatre produits laitiers par jour
Dans le sillon de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui avait alerté sur le sujet en janvier 2021, la Société française de pédiatrie insiste sur le fait que la vitamine D doit être prescrite sous forme de médicaments et non sous forme de compléments alimentaires. « Pour être certains des doses apportées », souligne la pédiatre, alertant tout particulièrement sur les produits achetés sur internet, souvent surdosés, avec un risque d'hypercalcémie sévère et d'insuffisance rénale aiguë.
Concernant les apports en calcium (non présents dans les précédentes recommandations), trois à quatre produits laitiers par jour sont préconisés chez les enfants de 0 à 18 ans. « Une supplémentation en calcium peut être envisagée dans certaines situations particulières : régime vegan, allergie sévère aux protéines de lait de vache…, note la Pr Bacchetta. Et si on veut favoriser l'ostéoprotection sur le long terme, il faut aussi promouvoir l'activité physique. »
Quant au dosage de la vitamine D, il n'est pas recommandé en première intention. Néanmoins, il présente un intérêt dans le suivi des maladies chroniques et en cas de suspicion de rachitisme carentiel ou de pathologie phosphocalcique. « Ou à l'inverse, un dosage peut être réalisé en cas de lithiase, de néphrocalcinose ou d'hypercalcémie », complète la pédiatre.
Cette nouvelle mouture a impliqué davantage de spécialistes, dont les médecins généralistes par le biais du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), qui a participé au processus de vote et de relecture de ce consensus d'experts.
(1) Société française de néonatologie, Société française d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique, Société française de rhumatologie pédiatrique, Société française de néphrologie pédiatrique, Groupe francophone d’hépato-gastroentérologie et nutrition pédiatrique et Association française de pédiatrie ambulatoire.
(2) J. Bacchetta et al., Arch Pediatr, 2022. doi: 10.1016/j.arcped.2022.02.008
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