Fièvres récurrentes de l’enfant

Un nouveau cadre nosologique?

Publié le 18/11/2010
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Crédit photo : BSIP

PAR LE Dr PASCAL PILLET*

LE TERME DE maladies auto-inflammatoires a été proposé par Mc Dermott lorsqu’il a découvert que des mutations du récepteur du tumor necrosis factor (TNF) étaient la cause d’une variété de fièvre récurrente héréditaire dominante qu’il a alors dénommé TNFR1-associated periodic syndromes (TRAPS). Leur point commun est une fièvre récurrente faite d’une succession d’accès spontanément résolutifs dont le caractère est stéréotypé, de durée limitée, séparés d’intervalles libres se reproduisant pendant des mois ou années. Les anomalies génétiques impliquées dans MAI intéressent le domaine de l’immunité innée, système le plus « archaïque » de l’immunité et induisant des défauts de régulation de la réponse inflammatoire.

La difficulté devant un enfant qui souffre d’une fièvre qui revient « trop souvent » est de distinguer les infections banales d’une pathologie sous jacente plus lourde. L’anamnèse, l’interrogatoire de l’entourage et l’examen du carnet de santé sont essentiels pour rattacher les épisodes entre eux à une même entité. Une fois repérée, il convient de préciser la date d’apparition, leur nombre, les signes accompagnateurs et le retentissement sur l’état général afin d’individualiser les premiers éléments d’orientation. Si le tableau est récent, il faut écarter certaines infections et néoplasies, un déficit immunitaire, d’autres pathologies inflammatoires ou auto immunes, une fièvre simulée ou médicamenteuse.

Un syndrome inflammatoire biologique.

Les MAI forment un ensemble de syndromes comportant des épisodes fébriles récurrents, sans cause évidente, survenant souvent tôt dans la vie (début pédiatrique : 90 %), accompagnés de symptômes systémiques plus ou moins constants ou spécifiques. Elles sont liées à une dérégulation de l’immunité innée (réponse immune non spécifique contre les agressions endogènes ou exogènes) située principalement au niveau des monocytes et polynucléaires neutrophiles et se traduisant par une stimulation excessive de ces derniers. Par définition, un malade atteint ne produit ni auto-anticorps, ni lymphocytes activés. Deux principales cytokines inflammatoires sont actuellement impliquées : le TNF et l’interleukine (IL)-1. Un syndrome inflammatoire biologique est constant. La discordance entre l’importance de celui-ci et l’absence d’autres orientations est évocatrice, à fortiori si l’inflammation tend à régresser spontanément et que le tableau est ancien.

Le groupe des MAI monogéniques ou fièvres récurrentes héréditaires (FRH) pour lesquelles une analyse génétique moléculaire est possible comprend plusieurs entités définies : FMF (Familial Mediterranean fever), TRAPS (TNF Receptor Associated Periodic Syndrome), MKD (Mevalonate Kinase Deficiency), CAPS (Cryopyrin Associated Periodic Syndrome), PAPA (Pyogenic sterile Arthritis, Pyoderma), syndrome de Blau, le syndrome de Majeed qui est une forme de CRMO (Chronic Recurrent Multifocal Osteomyelitis), DIRA syndrome (Deficiency of Interleukin-1–Receptor Antagonist). Cependant ce groupe tend à s’élargir à d’autres maladies multifactorielles: Maladie de Behçet, maladie de Crohn. D’autres ont une composante génétique probable non identifiée : maladie de Still, PFAPA (Periodic Fever Aphtous Stomatis Pharyngitis Adenitis). D’autres enfants atteints d’une réelle fièvre auto-inflammatoire pour laquelle la génétique est non contributive n’entrent dans aucun cadre syndromique connu.

La MAI la plus anciennement connue est la FMF. La plus fréquente et la plus bénigne est de loin le PFAPA syndrome décrit en 1987 par Marshall. Les éléments d’orientation étiologiques s’articulent principalement autour des antécédents familiaux et ethniques, des caractéristiques de la fièvre et des signes cliniques associés qui varient d’une entité à l’autre et peuvent revêtir une spécificité étiologique. Les crises les plus courtes sont vues dans l’urticaire au froid familial (quelques heures), les plus longues dans le TRAPS (›1 semaine). L’âge de début des symptômes est un élément important. Dès la naissance, c’est un critère majeur du CINCA. Dans les autres CAPS et le MKD, les accès se manifestent en général dès la 1e année de vie. C’est dans le TRAPS que le début est le plus tardif. La périodicité est une des caractéristiques du PFAPA.

Diagnostic clinique et parfois génétique.

Le diagnostic de certitude repose sur des critères cliniques parfois mais sur les tests génétiques lorsqu’ils existent. En cas d’origine méditerranéenne et en présence d’une « vraie » fièvre récurrente et d’au moins 4 à 6 épisodes de fièvres inexpliquées, il est licite de rechercher une mutation dans le gène MEFV (FMF). En l’absence d’ascendance méditerranéenne, la FMF est exceptionnelle, la démarche doit s’efforcer de recueillir des informations précises sur la nature des crises. Très peu de tests fonctionnels sont disponibles. L’augmentation des immunoglobulines D (IgD) sériques faisait partie du diagnostic du syndrome hyper IgD, devenu depuis MKD. Plus spécifique est le dosage de l’acidurie mévalonique réalisé en période fébrile qui s’il est élevé sera complété de l’activité mévalonate kinase dans les lymphocytes. En dehors du MKD, le diagnostic repose sur la recherche de mutations dans le gène responsable de la maladie. Dans d’autres circonstances notamment dans le PFAPA, le diagnostic repose sur des critères cliniques.

*Service de pédiatrie médicale, hôpital des enfants, CHU Bordeaux.

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Source : Bilan spécialistes