« Il n’y a pas de registre en France permettant de savoir combien de nourrissons ont une freinotomie, mais au niveau du CHU de Nantes où sont pratiqués environ 4 200 accouchements par an, trois freinotomies sont réalisées par semaine en moyenne, car réellement justifiées, soit environ 4 % des naissances, pour un taux d’allaitement de 68 % », note la Dr Cécile Boscher, pédiatre responsable du lactarium au CHU de Nantes, co-autrice de « L’allaitement, 100 questions/réponses » (éd. Ellipses).
La question peut se poser lorsque le nouveau-né présente un frein antérieur court et que la mère se plaint d’avoir mal pendant l’allaitement. Encore faut-il vérifier au préalable que le bébé est bien positionné lors de l’allaitement. « À l’inverse, si la maman ne se plaint de rien (aucune douleur) et que l’allaitement fonctionne, c’est que le frein de langue ne pose pas de souci et ne nécessite pas de geste dans l’immédiat. Il faut d’ailleurs en finir avec le mythe du frein de langue qui entraînerait des troubles de l’alimentation, du langage, des infections ORL, des problèmes orthodontiques, etc. : ce n’est absolument pas prouvé d’autant que dans la majorité des cas, le frein s’assouplit en quelques semaines. De plus, ce sont d’autres freins qui peuvent poser ces problèmes, dentaires ou ORL, lorsque l’enfant grandit », rappelle la pédiatre.
Des conseils simples pour l’allaitement
Il n’est pas observé plus de problèmes de frein de langue selon le sexe du nouveau-né. En revanche, les mères qui allaitent pour la première fois, qui ont des mamelons qui ressortent peu, avec un bébé qui n’ouvre pas suffisamment la bouche et une langue un peu retenue à l’arrière — ce qui risque de pincer le sein avec les gencives —, sont plus à risque d’avoir des difficultés à la mise au sein. « Toutes les douleurs au sein lors de l’allaitement ne sont pas des problèmes de freins de langue et tous les freins de langue ne sont pas à couper. La première cause de douleurs au sein en rapport avec l’allaitement est une mauvaise prise en bouche par le nourrisson, rappelle la Dr Boscher. Pour qu’un bébé ouvre bien la bouche, il faut le positionner en plaçant son nez devant le mamelon — ce qui va favoriser une ouverture maximale de la bouche — avec le menton dans le sein, la tête qui ne soit pas coincée dans le pli du coude mais tenue par la nuque. Pour les mamans en difficulté, la mise en place d’un tire-lait au départ peut aussi être utile. L’allaitement n’est pas instinctif — les jeunes mamans ont très peu de modèles autour d’elles — et c’est au pédiatre ou à la sage-femme de la maternité de s’assurer que le positionnement du couple maman/bébé est bon ». En Australie, qui avait connu une forte augmentation (de 420 %) des freinotomies, la mise en place d’une consultation de l’allaitement, pour revenir aux basiques d’une bonne tétée, a permis de refaire chuter drastiquement ce taux !
Aux ciseaux, pas au laser
Une freinotomie, réalisée par le pédiatre, est proposée lorsque cela se justifie ; il ne faut pas attendre car, si rien n’est fait, la survenue de crevasses sur le sein risque de mettre fin à l’allaitement. La freinotomie se pratique aux ciseaux, avec ou sans anesthésie de contact suivie d’une remise au sein immédiate et antalgique. « Le recours au laser n’est pas indiqué chez le nouveau-né ou le nourrisson de quelques semaines. Il y a un risque non nul d’hémorragie (lorsque la croûte tombe), parfois un refus d’allaitement, alors que la freinotomie aux ciseaux, pratiquée par un pédiatre aguerri, a des suites très simples (un très léger saignement est possible au point de coupe, qui s’arrête rapidement avec la tétée) », insiste la Dr Boscher. En cas d’aspect de frein moins habituel (épais, malformatif…) ou de crainte du geste de la part du médecin, un avis ORL et/ou stomato-pédiatre est préférable.
Les pédiatres ne se préoccupant pas toujours de ce problème, des ORL, des dentistes, se sont lancés sur ce créneau des freinotomies, aux ciseaux ou au laser, sans que cela soit toujours justifié, d’où une réelle nécessité d’informer les parents. L’association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) a lancé une alerte contre ces pratiques abusives et les « fake news » des réseaux sociaux. « Il y a urgence à en finir avec l’idée qu’un frein de langue trop court est systématiquement en cause dans les difficultés rencontrées par le couple maman/bébé lors de l’allaitement et en finir avec la pratique à grande échelle des freinotomies, voire des freinectomies qui, lorsqu’elles ne sont pas justifiées, s’apparentent à une forme de maltraitance », alerte la Dr Boscher.
Exergue : « Toutes les douleurs lors de l’allaitement ne sont pas des problèmes de freins de langue et tous les freins de langue ne sont pas à couper »
Entretien avec la Dr Cécile Boscher (CHU de Nantes)
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